REGRET.
De mon enfance je n’ai pas de souvenir ; ma vie étudiante passa sans vraiment que je m’en rende compte ; je m’efforce à me distraire de celle qu’à présent je mène, censément laborieuse, sérieuse et pareille à tant d’autres.
La fuite que j’ai trouvée me remplit de grandes joies, de douces tristesses, de réflexions, de mélancolie dès que j’en sors : je lis des histoires de lycéens. Je ne sais plus quand cela a commencé ; mais il est certain que cela continue.
Il semble que les auteurs et les écrivains occidentaux n’aient point cette nostalgie de leur vie d’avant le travail, ou qu’ils ne montrent pas leur sentiment véritable, par pudeur peut-être, ou rejet de ce qu’ils considèrent comme une faiblesse. Peut-être le saut dans la vie active au Japon est-il plus rude là-bas qu’ici ; peut-être que là-bas afficher ce regret d’un temps insouciant et pour une part plus libre n’est pas un tort. Je ne peux me résoudre à penser que je suis le seul à sentir ainsi, car je ne puis croire qu’on se satisfasse de la vie adulte qu’il nous faut bien mener.
Ces récits sont emplis de toutes ces choses que je n’ai vécues. Oh, j’ai bien vécu les agréments des connaissances collégiennes, les peines de plusieurs amours frustrés et sans retour, et senti après-coup la convénience d’un emploi du temps pour moitié réglé ; mais c’est à peu près tout : nulle grande complicité, nulle sortie entre amis, nul rendez-vous qu’on attend le cœur en chamade, nulle situation délicieusement équivoque, nul amour fortifié par le côtoiement et l’attente, qui se mue en grande joie par la découverte de la réciproque, nulle vie de famille remuante non plus, nulle chaleur, nulle envie.
Tout me fut désespérément fade, moyen et tranquille.
Je sais que l’on ne se satisfait jamais de ce que l’on a, que la vie n’est pas un roman, et que tous ces récits qui me captivent ne sont que des fictions ; mais toutes ces années sont irrémédiablement passées. Tout le monde et personne ne porte la faute de la manière dont elles le furent, et l’on n’y peut plus rien faire.
Il est amusant que ce soit un regret qui aujourd'hui me porte, et que je vive par procuration une époque que je vécus en spectateur. Au fond, rien n’a changé.
Je ris et pleure de concert avec des personnages imaginaires.
De mon enfance je n’ai pas de souvenir ; ma vie étudiante passa sans vraiment que je m’en rende compte ; je m’efforce à me distraire de celle qu’à présent je mène, censément laborieuse, sérieuse et pareille à tant d’autres.
La fuite que j’ai trouvée me remplit de grandes joies, de douces tristesses, de réflexions, de mélancolie dès que j’en sors : je lis des histoires de lycéens. Je ne sais plus quand cela a commencé ; mais il est certain que cela continue.
Il semble que les auteurs et les écrivains occidentaux n’aient point cette nostalgie de leur vie d’avant le travail, ou qu’ils ne montrent pas leur sentiment véritable, par pudeur peut-être, ou rejet de ce qu’ils considèrent comme une faiblesse. Peut-être le saut dans la vie active au Japon est-il plus rude là-bas qu’ici ; peut-être que là-bas afficher ce regret d’un temps insouciant et pour une part plus libre n’est pas un tort. Je ne peux me résoudre à penser que je suis le seul à sentir ainsi, car je ne puis croire qu’on se satisfasse de la vie adulte qu’il nous faut bien mener.
Ces récits sont emplis de toutes ces choses que je n’ai vécues. Oh, j’ai bien vécu les agréments des connaissances collégiennes, les peines de plusieurs amours frustrés et sans retour, et senti après-coup la convénience d’un emploi du temps pour moitié réglé ; mais c’est à peu près tout : nulle grande complicité, nulle sortie entre amis, nul rendez-vous qu’on attend le cœur en chamade, nulle situation délicieusement équivoque, nul amour fortifié par le côtoiement et l’attente, qui se mue en grande joie par la découverte de la réciproque, nulle vie de famille remuante non plus, nulle chaleur, nulle envie.
Tout me fut désespérément fade, moyen et tranquille.
Je sais que l’on ne se satisfait jamais de ce que l’on a, que la vie n’est pas un roman, et que tous ces récits qui me captivent ne sont que des fictions ; mais toutes ces années sont irrémédiablement passées. Tout le monde et personne ne porte la faute de la manière dont elles le furent, et l’on n’y peut plus rien faire.
Il est amusant que ce soit un regret qui aujourd'hui me porte, et que je vive par procuration une époque que je vécus en spectateur. Au fond, rien n’a changé.
Je ris et pleure de concert avec des personnages imaginaires.
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