mardi 12 avril 2011

Textes courts : Envois

ENVOIS.


C’est une histoire touchante, triste et banale, comme il en est cent, comme il en est mille.

« Janvier 1989

Connais-tu le plaisir de couper le papier d’un livre, d’être le premier à le défricher et à le déchiffrer. Une autre forme d’expérience de la virginité… littéraire cette fois.
Anouchka
à son baby. »

(Exemplaire non coupé.)

Il fut un temps où les livres étaient des choses qui demeurent. D’ores on en use, et les jette. C’est regrettable ; mais c’est ainsi.

Il fut un temps où les livres étaient des choses de partage. Sur la page de faux-titre, on écrivait d’une autre encre des mots d’offrande, on y priait l’être cher de bien vouloir etc., respectueusement, amicalement, avec ou sans baiser, dans l’espoir de, tu verras, fiers, hésitant, tendre, amoureux.

Les choses qui demeurent passaient de mains en mains, témoins d’histoires dont on ne saura guère plus que peu, dont on ne saura rien.

Il fut un temps où il fallait, pour les pouvoir lire, couper les pages. Il est heureux, pour une part, qu’on nous mâche le travail à présent : les preuves à charge disparaissent ; et tout passe, inentamé.

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