mardi 9 février 2010

Textes courts : Domination

DOMINATION.


Comprendre ce qui pousse les gens à agir est d’une simplicité enfantine.

L’étude des animaux est le premier pas vers la compréhension des humains, lesquels ne sont par ailleurs qu’une espèce du règne de ceux-là.

Par cette étude on peut isoler les comportements instinctifs fondamentaux qui conditionnent la survie de l’individu et du groupe, lesquels sont toujours des réponses plus ou moins nettes et dérivées à des besoins vitaux : le besoin nutritif participe de la survie de l’individu ; le besoin sexuel participe de la survie de l’espèce à laquelle cet individu appartient.

Les dérivés comportementaux de ces besoins sont aisément identifiables : ils se nomment prédation et séduction. Ces réactions elles-mêmes ne sont que formes d’un comportement et pli plus puissant de la vie qui veut survivre à la vie : la domination. Dominer les autres espèces est la suite du besoin nutritif ; dominer les autres membres de l’espèce à laquelle on appartient est celle du besoin sexuel.

Les corollaires sont nombreux, et furent par ailleurs désignés en d’autres siècles qu’au nôtre : sélection naturelle, préséance du critère de la force physique sur tout autre, lequel détermine en suite la préséance dans le domaine sexuel, domination conséquente des mâles, et ce jusqu’à sédentarisation, etc.

Voilà ce que nous apprennent les animaux sur nous–mêmes car, on ne saurait trop le dire à nouveau, ils ne sont pas entièrement nous, mais nous sommes entièrement eux.

L’étude des jeunes enfants est le second pas vers la compréhension des humains, car ceux-là sont ceux-ci à visage et masque découverts.

Ce masque, appelons-le vernis social. Ses noms ont varié au gré des époques : courtoisie, politesse, bienséance, etc. C’est le comportement acquis par la fréquentation de ses semblables, lequel règle de manière non belligérente les conflits inter-individuels, décide de la hiérarchie dominatrice, et fait volontiers accepter celle-ci par les individus. Ce masque est un conditionnement qui vise à la prolifération et à la domination de l’espèce concernée sur toutes les autres.

Les jeunes enfants ne sont pas encore soumis à ce conditionnement, ou ne le sont que d’une manière imparfaite. Chez eux se font jour les traits distinctifs de l’espèce humaine et de ses individus, lesquels traits sont comme les maillons entremêlés d’une chaîne logique et, en partie, dûs à la capacité projectrice propre aux individus de cette espèce : égoïsme forcené, instinct hiérarchique puissant, lâcheté maladive, sournoiserie prononcée, vanité irrémédiable, insatisfaction chronique, instinct possessif développé, etc.

On comprend par ailleurs que s’est imposée la nécessité de réguler au mieux ces penchants : l’espèce humaine eût tôt fait de se détruite elle-même avec un certain plaisir.

En ce qui concerne le pan nutritif, ces comportements, lesquels furent conditionnés dans une certaine mesure et avec un degré relatif de réussite, eurent pour conséquences la domination incontestée de la chaîne alimentaire et la destruction quasi-totale de l’habitat naturel ainsi que de ses ressources ; en ce qui concerne le pan sexuel, disparition de la horde, monogamie, régulation des mœurs et dégénération génique croissante des individus.

Il est temps de dresser un bilan du chemin parcouru par cette curieuse espèce, et force est de constater que, si la domination sur les autres espèces fut à terme totale, les moyens mis en œuvres pour asseoir celle-ci ont conduit à un affaiblissement significatif et de progression constante de chaque individu.

Il faut croire et conclure qu’il fut fait choix de tabler sur le nombre et que par la supériorité numérique l’espèce pensait vaincre.

Il faut aussi croire que ce fut une erreur, car je suis le dernier de ma race et serai bientôt mort.

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