mardi 25 mai 2010

Textes courts : Pierre

PIERRE.


Le premier symptôme m’apparut alors que j’entrais dans la trentième année d’une vie très-réglée.

Dans mon enfance, laquelle se poursuivit au-delà de la jeunesse, l’on ne me permit aucun écart, fût-ce de conduite, de fréquentation, ou même de table : il eût été, si léger et innocent fût-il, sévèrement puni. Mes parents y veillèrent amoureusement. J’y veillai moi-même après leur mort, par devoir.

Je ne sais donc par quel moyen cette mystérieuse maladie s’infiltra dans mon corps. Les plus grands savants furent tous confondus, même si je trouvai le relat de situations similaires consigné dans un épais manuscrit de vélin du douzième siècle. C’était en latin.

Le vingt-troisième jour d’avril, au matin, la tasse de café que je tenais dans mes mains alla se briser au sol : mes doigts étaient durs comme de la pierre et en avaient pris la couleur grisâtre.

Avec le temps, le reste de mes chairs suivirent le même chemin, des extrémités et bords, vers l’intérieur.

Mon esprit et mon cœur par miracle seuls encore demeurent ; mais bientôt je ne serai plus que statue.

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