mercredi 29 octobre 2008

Nietzsche et Deleuze.

Visages de Thésée, Ariane et Dionysos.
« Essai » sur l’article de Deleuze : « Le mystère d’Ariane » .



En guise d’introduction.

À lire Deleuze lisant Nietzsche, l’on s’étonne — puis apprécie — que chaque phrase à la limite ait tournure de sentence, de maxime. L’on entend, en écho, en double affirmation peut-être, maintes pages de Nietzsche et leur « éperon » caractéristique .

« Une maxime, pour être bien faite, ne demande pas à être corrigée. Elle demande à être développée. »

C’est peu ou prou l’objectif que nous nous sommes fixé avec ce texte, qui reprend la question et point de vue de la section 12 du chapitre V de Nietzsche et la philosophie : « La double affirmation : Ariane ». Il la reprend et la surprend aussi, « passant » sur certains développements, développant d’autres points, donnant à en voir de nouveaux, cela selon une perspective autre, aussi, peut-être :

« Notre objet n’est pas d’analyser cette double transmutation du nihilisme, cette double conversion, mais de chercher seulement comment le mythe d’Ariane l’exprime. »

Bien sûr, la symbolique d’Ariane et de ses affaires de cœur a à voir avec la transmutation de toutes les valeurs : elle en tient lieu, au sens fort et paradigmatique du terme. Mais l’enjeu est ici déplacé. Ce qui pose problème, et qui nous pose problème ici, c’est cette manière de « personnage conceptuel », centre et pivot d’un triptyque symbolique : Ariane. C’est Ariane avec Thésée, c’est le Taureau tué, c’est Ariane esseulée, c’est Ariane avec Dionysos. C’est Ariane et son histoire, c’est Ariane et ses histoires. C’est qui et ce qu’est Ariane, pour ces hommes, dieux et bêtes — pour nous, aussi. Le « mystère » ceint Ariane en son tour. Ariane a un secret, Ariane est un « mystère ».
Le mystère d’Ariane, qu’est-ce à dire ? S’il y a mustêrion, il y a mustês, initié (mais qui sont-ils ? combien sont-ils ?). Manière de rite secret, connu de certains, inconnu d’autres, et manière d’énigme : chose de Thésée, déjà, peut-être. Le mistere de Gautier d’Arras (en 1160) est une « manière intime de penser » , un penser proche et lointain celé dans le fort intérieur. Ce sens n’est au fond pas si éloigné du précédent : une manière de mouvement secret de soi à soi, en un dédale intérieur. Penser le mystère d’Ariane serait ainsi déceler ce que cèle Ariane, ce serait aussi déceler l’énigme du labyrinthe jonctif et disjonctif des intimes, des proches d’Ariane : c’est trouver ce qui unit et sépare ces figures, c’est trouver les correspondances intimes de ce triptyque : Thésée, Ariane, Dionysos-(Taureau).
Il y a véritablement deux moments en ce mythe. En chaque un de ces moments le tryptique est là : d’un côté Thésée, Ariane, et le « Taureau » ; de l’autre, (Thésée), Ariane, et Dionysos. Mais les visages des personnages ne sont pas les mêmes, en ce sens que nos actants ne s’envisagent pas de même façon, en ce sens qu’il est manière et manière de sens, radicalement différentes, à ce tryptique, selon que l’on se place de part ou d’autre de ce point de rupture, « Minuit », où vient à Ariane l’intuition de l’approche de Dionysos, alors que Thésée l’a abandonnée. Tout est affaire de lieu, de moment, de ton aussi : le là d’Ariane est double, et nécessairement tel. Car il ne faut pas oublier ce dont il est question ici, l’objet de l’étude de Deleuze : le mythe. Car il ne faut pas oublier ce qu’est un mythe : c’est une histoire finie, c’est un récit dont tous connaissent la fin. Et que s’il en existent différentes versions, c’en est à la marge, et ne change rien à la chose : le mythe est chose révolue. C’est en ce sens, aussi, que le mythe, que ce mythe, est révolution : le mythe d’Ariane est chose qui tourne et revient, il est moment et lieu de renversement périodique. C’est en ce sens que nous avons dit Ariane pivot. Thésée et Dionysos, le labyrinthe aussi, tournent au tour d’Ariane. Et à mesure que tout tourne, le sens et la signification, la signifiance des éléments du décor mythique change et s’inverse.

« Comme d’autres femmes sont entre deux hommes, Ariane est entre Thésée et Dionysos. »

Que se passe-t-il, en effet ? Nous suivrons Deleuze en son découpage et dé-composition du mythe et d’Ariane, à fin d’essayer de penser cet entre-deux qui sont aussi moments, cet entre-deux en deux temps, où se situe Ariane. Ariane est là de tout temps. Les deux temps se décomposeront donc selon la figure masculine — la Volonté — « dominante » de chaque un : Thésée ( I ), puis Dionysos (II).

*

I — Mensonge et mort(s) : Ariane, Thésée, le Taureau.

A — Le Sublime et le Taureau.

L’on peut brièvement résumer ce qui ressort des recoupements faits par Deleuze. Thésée est l’archétype de l’homme supérieur, « homme sublime, solennel, […] pénitent de l’esprit […], âme[ ] tendue[ ] » , « héros » n’éprouvant que « mépris » pour les choses de la « terre » . Il est le déchiffreur d’énigmes et le dompteur de fauves : il est celui qui aime à accomplir les épreuves, il est celui qui aime à porter et supporter les fardeaux , celui qui dit « IA ! », inconditionnellement, comme un âne, à ce qu’il prend pour le « poids du réel tel qu’il est » — et c’est ce qu’il appelle « affirmer ». Mais il n’en est rien, car il est en fait l’Esprit de Pesanteur : il est volonté de négation. Là est la grande méprise de Thésée : sa volonté et sa force sont bandées contre l’exemplaire, contre ce qu’il devrait prendre en exemple, contre ce dont il devrait apprendre.

« J’aime sa nuque de taureau, mais je voudrais lui voir aussi le regard de l’ange. »

Car l’actif et l’affirmatif, le dansant et le léger, dans cette partie du récit, c’est perspectivement bien plutôt cette « prodigieuse bête légère au fond du labyrinthe » : le « taureau ». Deleuze, non plus que Nietzsche, ne le nomme « Minotaure ». Le Minotaure, pourtant, n’a lui aussi que part de bête : il en a le cou et la tête. Mais il a oublié de se vouloir « supérieur » : « son bonheur [sent encore] la terre » . Du taureau il n’a pas que part de physique, il a l’instinct :

« Garder les muscles détendus et la volonté dételée […] ».

Mais le Minotaure non plus ne sait rire : sa manière de rire est mugissement. Pourtant, il n’a rien de l’homme supérieur. Son corps ne veut ni ne porte nul poids, sinon celui de sa tête : il erre dans le labyrinthe ombrageux où l’homme supérieur (ici Minos), par crainte, l’a enfermé. Vivre selon la terre : voilà ce que veut, voilà ce que peut vouloir le taureau. Thésée sait ce qu’il veut : c’est tuer la bête. Mais c’est seulement— de même que pour le taureau — ce qu’il peut vouloir. Car Thésée ne sait ce pour quoi il œuvre. Car il ne sait tout ce qui est derrière et dessous lui. Car il ne sait l’entreprise nihiliste qu’il porte. Deleuze dénoue justement, ce nous semble, ce nœud.

« C’est d’un air sombre qu’il est revenu des forêts de la Connaissance, ce chasseur. »

Les « valeurs héroïques » au nom desquelles Thésée entre dans le labyrinthe ne sont que masques et faux-semblants : derrière le labyrinthe de la Connaissance se cache celui de la moralité, en lequel se cache l’idéal ascétique et religieux, écrit Deleuze . Et à travers Thésée, « c’est toujours la même entreprise qui se poursuit, celle de tuer le taureau, c'est-à-dire de nier la vie, de l’écraser sous un poids, de la réduire à ses formes réactives » . Deleuze conclut : « L’homme s’attelle tout seul, au nom des valeurs héroïques, au nom des valeurs de l’homme. » — Tout seul ?

B — Anima et le Sublime : négation et réaction.

Thésée tue seul le taureau, mais c’est grâce à Ariane et son fil qu’il peut sortir du labyrinthe sans se perdre. Grâce à l’artifice du fil, Thésée peut suivre à la trace ses propres pas. Pour Deleuze, « le fil dans le labyrinthe est le fil moral » . Qu’est-ce à dire ? Ariane tient le fil à son bout qui est hors-danger, hors-perte. Thésée tient le fil en son autre bout, et déroule le fil à mesure qu’il avance. Le fil et la main qui le tient sont ce qui raccroche Thésée à la (sa) vie. Dans le labyrinthe de la Connaissance, le fil de la morale est ce qui sauve, le point de repère — l’on est tenté de dire : ce qui sauvegarde l’état antérieur des choses. Car n’oublions pas que pour Deleuze, « [la] morale est à son tour un labyrinthe : déguisement de l’idéal ascétique et religieux » . La morale est un labyrinthe dont le taureau fut vaincu. C’est terre conquise. En ce sens nous pouvons dire que le fil moral, dans l’exploration du labyrinthe de la Connaissance, est ce qui sauvegarde l’état antérieur des choses (la terre morale conquise). Ce fil est également ce qui lie et relie les deux labyrinthes. Le fil est ce qui relie tous les labyrinthes. Car si l’on suit Deleuze dans l’imbrication des masques et alibis, il faut conclure que le fil qui sauve, dans le labyrinthe de la morale, était celui de l’idéal ascétique et religieux. Et que ce qu’il sauvait et sauvegardait, c’était l’acquis de l’idéal ascétique, c’était la permanence de celui-ci dans les esprits. Que dire de ce jeu de construction ? Qu’Ariane était là à chaque fois. Qu’à chaque fois elle tenait le fil. Qu’à chaque fois elle permettait à l’homme supérieur d’avancer, à la négation et à la réaction de progresser. Pourquoi ?
Pourquoi ? Parce qu’elle l’aimait, parce qu’elle l’aime, cet homme. « Tant qu’Ariane aime Thésée, elle participe à cette entreprise de nier la vie. » Ariane est celle qui aide à la progression du nihilisme — et le nihilisme ne peut réussir sans elle. Déjà elle est pivot entre tous ces labyrinthes. Elle soulage Thésée dans son combat qu’il appelle à tort « affirmatif » : l’homme supérieur n’a pas à se préoccuper du lieu où il se trouve : il n’a qu’à trouver la bête et à la tuer. Car sinon, il se perdrait effectivement dans ce labyrinthe de la Connaissance, et l’on peut supposer qu’il ressemblerait fort au « Scrupuleux de l’Esprit » qui erre et rampe dans les marécages, homme dont « le domaine où [il est] connaisseur et passé maître […] est le cerveau de la sangsue » — « c’est là [son] univers » . C’est grâce à Ariane que Thésée n’en est pas là, et qu’il vainc le taureau en effet. Et, contrairement à ce qu’écrit Deleuze, le labyrinthe, en ce premier moment où Ariane aime Thésée, n’est pas « le chemin où l’on se perd » , mais le chemin retrouvé grâce au fil d’Ariane, et où l’affirmation de la vie perd le combat contre l’homme supérieur et la négation qu’il est. L’affirmation est défaite, car Ariane, « l’Anima, l’Ame, » aime Thésée, « l’Esprit de la négation » . L’affirmation est défaite, car Ariane, au contact de Thésée, se fait réactive. Anima fait sien le ressentiment de Thésée envers le Minotaure, de l’homme supérieur envers le vif-léger. L’Ame fait cela, car elle ne sait ce qu’est en réalité le taureau, tout éblouie qu’elle est par cet homme à l’air « sublime », « supérieur », « héroïque », et à qui elle veut plaire. À Thésée, à l’Esprit de négation qui demande de l’aide et fait promesse d’être éternellement à ses côtés, elle répond : « Mort au taureau ». Mais elle ne sait ce et celui qu’elle condamne. Plus précisément : elle sait et ne sait pas ce et celui qu’elle condamne. Le Minotaure, fils hubrique de Pasiphaé et du taureau blanc — cadeau puis instrument de vengeance de Poséidon à et contre Minos —, est le demi-frère d’Ariane, fille de Minos et Pasiphaé. « Ariane est le sœur qui éprouve le ressentiment contre son frère. » Mais, tout monstre, monstrum, avertissement des Dieux aux hommes hubriques, qu’il soit, le Minotaure n’en est pas moins la seule puissance de vie en lieu et place. C’est ce qu’Ariane ne sait, ou plutôt : c’est ce qu’elle pressent, et c’est bien pour cela qu’elle participe à la mise à mort : elle fait sienne l’entreprise de celui qu’elle aime.
Deleuze poursuit : « C’est Ariane qui tient le fil dans le labyrinthe, le fil de la moralité. Ariane est l’araignée, la tarentule. » Mais nous ne suivrons pas exactement Deleuze en ce chemin : Ariane tient bien le fil moral, mais nous ne pensons pas que cela fasse d’elle, à proprement parler, une tarentule. Deleuze renvoie le lecteur au passage suivant pour justifier son affirmation :

[…] hybris est notre attitude à l’égard de Dieu, je veux dire à l’égard de je ne sais quelle araignée de la finalité et de la moralité cachée derrière le grand filet de la causalité […] »

Que la « métaphore [soit] fréquente chez Nietzsche » , c’est exact, mais n’autorise pas, ce nous semble, cette assertion catégorique. À lire le passage de référence, l’on serait plutôt tenté de dire que la tarentule, c’est Thésée, c’est l’homme supérieur qui se prend pour « Dieu » — dont il n’a effectivement plus besoin, puisque l’« homme a remplacé Dieu par l’humanisme » —, c’est l’homme sublime et ses « valeurs héroïques », derrière lesquelles se cache l’idéal moral, lui-même masque de l’idéal ascétique et religieux. L’hybris est dans le texte celui de l’homme moderne : c’est propos de celui (Nietzsche) qui a déjà com-pris l’entreprise de la négation et sa falsification. L’homme supérieur veut bien plutôt faire croire à l’Ame, à Ariane, que l’araignée qu’il faut écraser sous le talon, c’est le taureau, et que l’hybris est sien, mais bien plutôt une juste croisade. C’est Ariane qui tient le fil moral, mais c’est Thésée qui le déroule.
Ce passage mis à part, tournons nous vers le Zarathoustra, car c’est là que Deleuze trouve la figure de Thésée en la peinture de « l’homme sublime ». Là, l’araignée prend un sens plus précis qui n’est non plus celui que nous semble prendre Ariane :

« […] prédicateurs d’égalité. Vous n’êtes que des tarentules, la rancune cachée vous habite. »

« Il en est qui prêchent ma doctrine de vie, et qui sont en même temps des prédicateurs d’égalité et des tarentules.
Araignées venimeuses, qui disent les louanges, de la vie, bien qu’elles restent tapies dans leurs repaires, à l’écart de la vie ; c’est leur façon de faire le mal. »

« […] éternelle araignée de la raison, […] éternelles toiles d’araignées de la raison. »

Ariane éprouve bien du ressentiment (« rancune »), mais c’est Thésée qui lui insuffle, comme par contamination à son contact. Mais en un sens, Ariane reste bien « à l’écart de la vie » (c’est Thésée qui va se frotter à la vie pour la tuer). Toutefois, elle pense sincèrement, à ce moment du récit, qu’elle aide (à) la vie, que Thésée c’est la vie et l’affirmation, car elle épouse la perspective de la négation qui se fait passer pour affirmation. Thésée trompe Ariane ; l’Esprit de négation trompe l’Ame, qui se fait réactive à son contact. En ce sens, Ariane est innocente, l’Ame est vierge et se façonne à la manière de ce qu’elle touche, de ce qui la touche, de ce qui lui semble aimable, de ce qu’elle aime alors et qui pourtant la trompe. C’est qu’Ariane ne connaît pas la fin du mythe, c’est qu’elle n’a pas une vision synoptique de l’histoire, de cette histoire qui est la sienne, qui est la nôtre. La prise de conscience vient toujours plus tard.

*

II — Renversement et vie : Ariane et Dionysos, sans Thésée.

A — « Minuit » : Anima abandonnée par le Sublime.

« Dans certaines traditions », Thésée, après avoir vaincu le Minotaure, fuit de Crète avec Ariane, mais la délaisse à Naxos. Dans d’autres — c’est bien plutôt celles-ci qui intéressent Deleuze —, Thésée repart de Crète en abandonnant Ariane, laquelle se pend au même fil qui a permis à Thésée de sortir du labyrinthe sans se perdre. Deleuze interprète ainsi : l’union de la négation (Thésée) et de l’Ame faite réaction (Ariane) n’est pas le « dernier mot du nihilisme » . Une fois le taureau — l’affirmation vive — vaincu, l’Esprit de négation se retourne contre l’Ame réactive, renie leur union, brise la promesse. L’Ame, trompée, laissée à sa solitude après qu’elle a trahi les siens, dans un geste qui se veut ultime, veut mourir, et se pend avec l’instrument même de sa trahison et du triomphe de la négation. Ce vouloir-périr, ce peut être l’Ame réactive qui, laissée par ce qui lui était tout, l’Esprit de négation, décide de ne pas survivre à son départ. Mais c’est bien plutôt, ce nous semble, le sursaut et cri de l’Ame qui veut tuer la réaction en se tuant elle-même.

« Qu’importe ta personne […] ? Dis la parole que tu portes en toi, puis brise-toi. »

Il faut alors imaginer Ariane, après ce cri, pendue au fil, pendue à l’arbre, mourante. Moment d’un instant qui semble une éternité, moment de Midi-Minuit, où tout se trouble et pourtant se fait plus clair, moment où tout change de sens. Et ces mots de Zarathoustra ne viennent jamais plus justement dans la bouche d’Ariane :

« ‘‘Silence ! Silence ! N’est-il pas vrai que le monde vient de toucher sa perfection ? Qu’est-ce donc qui m’arrive ?’’
Comme une brise délicieuse danse, invisible, sur la mer aplanie, légère, légère comme la plume — ainsi le sommeil danse sur mon esprit.
Il ne clôt pas mes yeux, il laisse mon âme éveillée. Il est léger, en vérité, léger comme la plume.
Il me circonvient, je ne sais comment. De sa main caressante il effleure ma fibre la plus intime. Il s’empare de moi. Il oblige mon âme elle-même à s’allonger aussi.
Qu’elle me semble longue et lasse, cette âme étrange ! Est-ce déjà le soir du septième jour qui la surprend en plein midi ? […]
La voilà étendue de tout son long — plus longue encore. La voilà muette, mon âme étrange. […]
Telle une barque qui accoste dans la baie la plus calme qui soit au monde, elle s’adosse maintenant à la terre, lasse des longs voyages et des mers incertaines. La terre n’est-elle pas plus sûre ?
Telle est cette barque qui recherche l’appui, la caresse de la terre : il suffit alors qu’une araignée tisse son fil entre la terre et elle ; point n’est besoin d’un câble plus fort. »

En effet, alors, le monde semble étymologiquement « par-fait », tout semble fini : l’Esprit de négation, vainqueur de la vie, s’est retournée contre l’Ame réactive, dont il n’a plus besoin. Le « silence » suit le cri du vouloir-périr. Le « sommeil » gagne, mais en place d’une mort terrible, il se fait « caresse » légère et dansante, il pose et repose, il se fait baume à l’Ame. L’Ame est « longue et lasse », elle a cru participer à la vie, vivre pleinement, mais c’était illusion, — mais ça n’a plus vraiment d’importance. Qu’importe de parler encore ? Reste cette « caresse de la terre », au goût rassurant oublié un temps, qui revient à présent — terre que l’Ame aspire alors à rejoindre, terre que l’Ame sent approcher. Et, ironie ! le fil qui doit les unir est déjà là : c’est ce « fil moral », instrument de mort, qui sert maintenant de pont de vie pour les joindre — un « merci » à l’araignée qui l’a tissé, quelle qu’elle soit, quelle qu’elle fut ! car cela n’a plus d’importance.

« Qu’est-il devenu ? demandait Ariane. Je ne sais plus son nom, et pourtant je me rappelle qu’il m’a laissée. »

Que se passe-t-il ? « C’est ce moment fondamental […] qui annonce une double transmutation […] » .L’Ame réactive, niée par l’Esprit de négation, se fait active, et « la négation se convertit » en affirmation, écrit Deleuze. L’on serait plutôt tenté de dire, suivant le mythe, que la négation disparaît du lieu et laisse place à l’affirmation.

« Car c’est ici le secret de l’âme : quand le héros l’a quittée, alors seulement elle voit s’approcher d’elle en rêve — le sur-héros. »

Voilà l’« annonce » de qui et de ce qui vient et doit venir. La mort qu’Ariane pensait trouver laisse place au sommeil et songe d’avant-Vie, à une prophétie, aussi, celle de la venue de celui qui est appel et affirmation pure : Dionysos.

B — Ariane et Dionysos : la double affirmation.

« Abandonnée par Thésée, Ariane sent que Dionysos approche. » Deleuze dresse un portrait de Dionysos-taureau et de ce qu’il incarne. Il est la pure volonté d’affirmation, il est le Léger et « allège tout ce qui vit » , il est ce rire divin, il est jeu, à la fois chaos et étoile dansante — il est radicalement autre que l’homme supérieur : en ce sens il se retrouve dans le « sur-héros ». Il est autre que l’homme sublime et que l’enchanteur, mais peut être confondu avec eux. En effet, « Dionysos n’est-il pas un grand faussaire, le plus grand ‘‘en vérité’’ […] ? L’art n’est-il pas la plus haute puissance du faux ? » Mais la différence est capitale : Dionysos est autre, alors que les hommes supérieurs ne sont que degrés du même ; ils ne peuvent que parodier et répéter sans cesse la même parodie. Leur échappe l’essence même de la vie et de l’affirmation : la création qui est don, qui transfigure, transforme et transmue toutes choses . Alors qu’Ariane veut périr, s’annonce Dionysos. Sous la « caresse de la terre », au contact de l’affirmation « pure et multiple » , l’Ame s’allège et s’allonge se fait force active.
« Il est léger, en vérité, léger comme la plume. / Il me circonvient, je ne sais comment. De sa main caressante il effleure ma fibre la plus intime. Il s’empare de moi. Il oblige mon âme elle-même à s’allonger aussi. »

Alors Ariane se rend comte de ses erreurs, de son aveuglement et de la tromperie de l’Esprit de la négation. Dionysos n’a rien à voir avec Thésée. Ariane avait « trouv[é] un Allemand, quand [elle] croyait rencontrer un Grec » . Mais la déception n’envahit pas même son cœur, car cela n’a plus d’importance : Dionysos est là, qui « révèle la vraie nature de l’affirmation » .
Mais ce n’est pas seulement la déformation et tromperie qui est mise à jour : tout, alors, change de sens — et de signification, et de direction. Le chant d’Ariane, tantôt mis dans la bouche de l’« Enchanteur » , le grand mystificateur supérieur, qui « jouai[t] le rôle du Pénitent de l’esprit » , devient « une recherche active » , un vouloir-savoir qu’elle ne rêve pas, une question et étonnement « qui affirme déjà » .

« C’est moi que tu veux ? Moi ? / Moi ? Tout [entière] ? »

C’est qu’Ariane n’est plus la même : lors que la falsification est levée, Ariane s’active, change, se transforme : son oreille devient petite et ronde, à fin d’entendre le Oui pur et multiple de Dionysos, à fin de pouvoir lui répondre par l’affirmative.
Le labyrinthe lui-même change de sens — de même, nous l’avons vu, que le fil moral devient le pont entre la terre et l’âme. « Le labyrinthe est devenu le taureau blanc lui-même » : le lieu de la mise à mort du Minotaure, bâtard mi-homme mi-dieu, est devenu le taureau blanc, son père. Le labyrinthe est de nouveau ce cadeau des Dieux — mieux : il est à présent le Dieu lui-même : « Le labyrinthe est maintenant l’oreille de Dionysos, l’oreille labyrinthique » . Il devient, à l’image de l’oreille, petit et rond, « propice à l’éternel retour » . Tout prend la façon de l’affirmation. Le labyrinthe perd même de sa matérialité, de sa pesanteur, de sa lourdeur : il « n’est plus d’architecture, il est devenu sonore, et de musique » . Et, ainsi construit de musique et de chant, il devient archétype du léger et de l’aérien, « pure apesanteur » , à l’image du Dieu qui dit Oui. Là, Deleuze file le parallèle qu’il avait déjà esquissé. Déjà Wagner était le faux Grec, l’Allemand, et Nietzsche le vrai Grec ; déjà Deleuze revoyait ainsi le tryptique : « Thésée-Wagner, Ariane-Cosima, Nietzsche-Dionysos » . Ici, Deleuze voit la distance qui à mesure se creuse entre Nietzsche et Wagner, le « comédien, faux-monnayeur, fieffé menteur, […] paon des paons, […] sinistre enchanteur » . Car Wagner a pu tromper Nietzsche un temps, mais sa musique et son chant sont en fait l’opposé de ce qui affirme : ce sont emphase, pesanteur, sérieux et feinte. « Ce qui appartient essentiellement à Dionysos musicien, c’est de faire danser les toits, balancer les poutres » , écrit Deleuze. Le pouvoir de Dionysos musicien, c’est de faire branler le dur, le fixe, c’est de faire jouer l’architecture. Nulle surprise, alors, que le labyrinthe se fasse oreille, se fasse sonore : le labyrinthe qui s’éveille au son de la musique légère, c’est l’oreille. Le labyrinthe se fait total, se fait monde : il est à la fois le chant et ce qui le recueille et vibre à son contact. À l’opposé se tient la musique d’Apollon et de Thésée : ce sont musiques qui ont leurs domaines, c’est musique parcellisée, formée une fois pour toutes, dressée selon l’archein, selon ordres et champs de pouvoir, « c’est une musique qui se répartit d’après les territoires, les milieux, les activités, les éthos » . Le chant dithyrambique brise ces barrières et bornes faites de main d’homme, il rassemble le disparate en un appel et les mêle : il fait du monde son domaine, il fait de la vie elle-même son chant et son oreille.

« Celui qui un jour apprendra aux hommes à voler déplacera toutes les bornes-frontières ; il fera sauter toutes les bornes-frontières, il donnera à la terre un nom nouveau, il l’appellera ‘‘la Légère’’. »

Alors, à ce nouveau nom donné qui l’allège, la débarrasse de ses sections, la terre elle aussi répond au geste par le chant. Alors « se dégage un puissant chant de la Terre, la grande ritournelle qui transmue tous les airs qu’elle emporte et fait revenir » . Il est chant qui parcourt toutes distances, tout kosmos. « Dionysos ne connaît plus d’autre architecture que celle des parcours et des trajets. » La charpente (tektosune) qui commence et commande (arkhein) à présent le kosmos trans-figuré par l’affirmation affirmée, c’est celle du diadème (dia-dèma) dithyrambique, de la double (re-)naissance (dithurambikos) d’Ariane et de Dionysos, c’est celle du chant de terre qui traverse et lie (dia-dei), qui ceint l’espace en son tour. Ce chant de terre qui est caresse, ce chant qui est oreille, qui est monde, c’est « l’éternel retour en personne » .

*

En guise de « conclusion » — Ariane et Dionysos :
l’union et son secret : la question du Retour.

L’on pourrait croire que là finit le récit. Mais ce serait ignorer le ressort de cette rencontre, et ce qui en fait sa nécessité. Pourquoi Thésée devait-il abandonner Ariane ? Pourquoi Dionysos, qui est déjà affirmation pure et multiple, puissance de vie, devait-il retrouver Ariane ? Pourquoi Dionysos a-t-il besoin d’Ariane ? C’est que Dionysos est soleil et solitude.

« Il est nuit ; voici que s’éveillent tous les chants des amoureux. Et mon âme aussi est un chant d’amoureux. / Une soif est en moi, inassouvie, insatiable, qui cherche à élever la voix. / Un désir d’amour est en moi, un désir qui parle lui-même le langage de l’amour. / Je suis lumière : hélas ! que ne suis-je ténèbres ! Mais ma solitude, c’est d’être ceint de lumière. »

C’est que, seul, et tant qu’il est tel, Dionysos souffre.

« Rien d’approchant n’a jamais été composé, jamais senti, jamais souffert : seul un dieu, un Dionysos, souffre ainsi. La réponse à un tel dithyrambe de l’esseulement solaire dans la lumière serait… Ariane…Qui, à part moi, sait ce qu’est Ariane ? De toutes ces énigmes, personne jusqu’ici ne possédait la clé, et je doute même que personne y ait seulement vu d’énigmes. »

C’est que, seul, Dionysos « a encore peur de la pensée de l’Éternel Retour, parce qu’il craint que celui-ci ne ramène les forces réactives, l’entreprise de nier la vie, l’homme petit (fût-il supérieur ou sublime) » . C’est pour cela qu’il « réclame une fiancée » . C’est pourquoi Dionysos a besoin d’Ariane (« La réponse à un tel dithyrambe de l’esseulement solaire dans la lumière serait… Ariane… »). Et Ariane de Dionysos (« Et mon âme aussi est un chant d’amoureux. »). Ailleurs, en écho lointain, mais proche à la fois :

« Qu’est-il devenu ? demandait Ariane. Je ne sais plus son nom, et pourtant je me rappelle qu’il m’a laissée.
— Il fallait, répondait le dieu, il fallait qu’il te laissât, car telle est la loi de l’amour en qui tu t’étais confiée. »

Il le fallait, car l’affirmation dionysiaque a besoin d’une seconde affirmation qui lui revienne au creux de l’oreille, à fin qu’elle soit encore plus légère, à fin qu’elle soit en fin pleine : « Ariane est l’Anima, l’affirmation dédoublée, le ‘‘oui’’ qui répond au ‘‘oui’’ » . C’est « affaire de clinique, de santé et de guérison » . Alors Dionysos découvre le sens de l’Éternel Retour. Alors Dionysos est rassuré, et assuré de nouveau, il est lui-même délié du poids de son souci. Car il voit alors que l’Éternel Retour, « être du devenir », est « sélectif » : la double affirmation ne fait revenir, devenir et advenir que forces actives. Réaction et négation disparaissent avec (re-)création et la récréation de l’Éternel Retour : toujours Thésée disparaît pour laisser place et lieu à « l’union de Dionysos et d’Ariane » .

« Oh ! comment ne brûlerais-je pas du désir de l’éternité, du désir de l’anneau des anneaux, l’anneau nuptial du Retour !
Jamais encore je n’ai rencontré de femme de qui j’eusse voulu des enfants, si ce n’est cette femme que j’aime ; car je t’aime, ô Éternité !
Car je t’aime, ô Éternité ! »

Et l’enfant du labyrinthe transmué en musique et oreille divine, le fruit de l’anneau nuptial du Retour, de la double affirmation et du « devenir-actif » , c’est bien le sur-héros, l’anti-Thésée, « le vivant des cavernes et des cimes, le seul enfant qui se fasse par l’oreille, le fils d’Ariane et du Taureau » .


***


Notes en vrac... (aucun intérêt, mais bon ; )

Gilles DELEUZE, « Le mystère d’Ariane », article en partie inédit, in Le magazine littéraire, n°298, avril 1992, pp. 20-24.
Jacques DERRIDA, Éperons. Les styles de Nietzsche, Flammarion, Paris, 1978.
Isidore DUCASSE, Comte de Lautréamont, Poésies II, in : Œuvres complètes, « Poésie », « nrf », Gallimard, Paris, 1997, p. 306.
Deleuze, « Le mythe d’Ariane », p. 22, 1e colonne.
Jean DUBOIS, Henri MITTERAND, Albert DAUZAT, Dictionnaire étymologique et historique du français, Larousse-Bordas, Paris, 1998.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 21, 1e colonne. Deleuze souligne.
Friedrich NIETZSCHE, Ainsi parlait Zarathoustra, GF Flammarion, Paris, 1996. Trad. révisée de G. BLANQUIS. II, « Des sublimes », p. 162.
ibid., p.164.
ibid., p.163.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 21, 1e et 2e colonnes.
Gilles DELEUZE, Nietzsche et la philosophie, PUF, Paris, 1994 (9e éd.). p. 208.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, II, « Des sublimes », p.163.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 21, 2e colonne.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, II, « Des sublimes », p.163.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, II, « Des sublimes », p.162.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 21, 3e colonne.
ibid.
ibid. Deleuze souligne.
ibid.
ibid.
ibid.
ibid.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, IV, « La sangsue », p. 307. Nietzsche souligne.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 24, 3e colonne.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 21, 3e colonne.
ibid.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 22, 1e colonne.
Friedrich NIETZSCHE, La généalogie de la morale, « folio / essais », Gallimard, Paris, 1995. Trad. I. HILDENBRAND et J. GRATIEN. III, 9, p.132. Nietzsche souligne.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 24, note (7).
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 21, 3e colonne.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, II, « Des tarentules », p. 143.
Nietzsche, op. cit., II, « Des tarentules », p. 145.
Nietzsche, op. cit., III, « Avant l’aurore », p. 216.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 22, 1e colonne.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, II, « L’heure du suprême silence », p.193.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, III, « Midi », pp. 334-335.
Pierre LOUŸS, « Ariane ou le chemin de la paix éternelle », in Le crépuscule des nymphes, « collection des lettrés », Éditions Montaigne, Paris, 1925. p.63.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 22, 1e colonne. Deleuze souligne.
ibid.
Nietzsche, ainsi parlait Zarathoustra, « Des sublimes », p.164.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 22, 1e colonne. Deleuze souligne.
ibid.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 24, 1e colonne.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 24, 2e colonne.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 22, 1e colonne.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, III, « Midi », p. 334.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 22, 2e colonne.
ibid.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, IV, « L’enchanteur », pp. 309-312.
ibid., p. 312.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 22, 3e colonne.
ibid.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, IV, « L’enchanteur », p. 311.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 22, 3e colonne.
ibid.
ibid.
ibid.
ibid.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 22, 2e colonne.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, IV, « L’enchanteur », p. 311.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane », p. 22, 3e colonne.
ibid.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, III, « L’esprit de pesanteur », p. 244.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane »., p. 24, 1e colonne.
ibid.
ibid. Nous soulignons.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, II, « Nocturne », p. 150.
Friedrich NIETZSCHE, Ecce homo, « folio / essais », Gallimard, Paris, 1990. Trad. J.-C. HÉMERY. « Ainsi parlait Zarathoustra », 8., p. 171. Nietzsche souligne.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane »., p. 24, 2e et 3e colonnes.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane »., p. 22, 2e colonne. Et c’est en ce sens qu’il faut peut-être comprendre le « regard de l’ange » que souhaite Nietzsche et qu’a Dionysos : c’est le regard, étymologiquement, de l’aggelès, du messager : le regard seul du dieu est déjà porteur du message, le signe affirmatif et avant-coureur de l’union désirée.
Louÿs, « Ariane ou le chemin de la paix éternelle », p. 63.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane »., p. 24, 2e colonne.
ibid.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane »., p. 24, 3e colonne.
ibid.
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, III, « Les sept sceaux », p.287.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane »., p. 22, 2e colonne.
Deleuze, « Le mystère d’Ariane »., p. 24, 3e colonne.

(2002)

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