vendredi 31 octobre 2008

Poésies diverses.

CHOIX DE CHOSES 1999-2005
(2005 ; ordre chronologique, si je me souviens bien.)



Ton visage intouchable de déesse éprise
File une soie de brindilles méprises
Autre ailleurs trop pur d’un lieu trop épars
En un mur qu’effleure un murmure trop rare

Sanctuaire inutile de larme et d’injure
Où l’encre et le regard sur la page s’évitent
Où le passé décapite un saillant futur
Hypothéqué trop tard - Et je t’aime et te quitte

Sans jamais le vouloir.




Lâche brèche d’un dieu perdu, larme honnie
Exquise car cruelle d’une autre discorde
Méprise ou rebelle que n’exile la horde,
Porte pourrie de pleurs - Ah ! ton nom, l’harmonie

De nos confiances me supplie de jour le taire
(Moment de sanglants sanglots — silence sabord
Un monde muet où la souffrance s’abhorre)
Nuit l’oublier — frêle enfant d’un marbre trop fier —

Tourne et tourne une horde d’hérauts des six hyphes
De l’hymen que garde la condition sysiphe
Trop humaine d’un encore — croire, blesser,

Choir, aimer, souvenir et mourir et encore
Le cercle s’altère d’affres dites laissées
Qu’effleure une foi en peut-être déjà mort.




Je tue l’Amour par amour, mon amour,
De ce moignon de cœur passé d’espoir,
Las de trouver les pages de l’amour
Saignées d’un signet des larmes d’Espoir.

— Mon miroir d’amour ! mon miroir de mort !
— Mon aimée, poussiéreuse légende !
Frêle enfant, fruit de l’homme et de sa fiande !
Je tue l’amour pour l’Amour - pour ma mort.

Encore ! encore.




(Sanctuaires)

Caresse lascive d’un encore cardiaque
Décalque l’opprobre jetée lors d’une fuite
A ce mendiant décharné qu’un seul os anuite
D’un rêve eutopique et clair en décor opaque.

Alors tu te repais du mensonge d’un songe,
De fières déchirures vaines et subreptices
Pudiquement évincées sous maintes pelisses
Et attends que le regret peut-être te ronge,

Qu’il tombe et sonne comme un carillon déchu
Qui résonne du sang d’innocents corrompus
En une chaude brise aseptisée de larmes

Que ne recueille qu’un calice de silences,
Échos ou accords perdus de lointains vacarmes
Brisés, desquels un murmure d’amour s’élance.





(Ici et là)

Ce jour mon paradis est bien loin
Quelque lieu en nostalgie d’un nulle-part
Ce jour de cet étranger jardin
De quelque Eden : ruines et retard

Et l’homme lutte contre ses statues
Que maints et vains fous prennent pour nu-
-ages dans ce pesant jardin des pierres
Où l’homme ne rencontre que fers

Et vers.




(Heures)

Et je décapite ces femmes qui s’avancent
J’hésite alors aux plus laides
Mais l’ivresse emporte ma main
Et la chair cède au devant des heures
Pour la beauté d’un rouge sur blanc rouge
Elles avancent et infinies
De leur pas sinueux qui oscille en métronome
Vagues voiles sur leurs corps aseptisés
Et moi je brûle d’une ancestrale fureur
Et l’extase emporte ma main
Mes doigts sur l’air tracent des lignes
Fils de Parques qui scindent les corps
Nulle violence et les visages sombrent
Alors que les corps poursuivent en patience
Leur procession imperturbée, derrière
Et moi je crée de nouveaux contours
Infiniment en égal de leur légion
De faces inconnues visages sans noms
Sereines et heureuses car telle est leur destinée
Filles de la Terre que je décapite pour vivre
Je tue donc j’existe
Comme ces femmes m’assassinent
Je ne voulais rien elles
Sont venues à moi et sans cesse
Me rappellent ma mort
Délicieuses




dis-moi amie es-tu mon amie
vois-tu le long de ce pli ce temps si long
cet espace irréductible clair désert
que ne tentent de réduire mots vers ou d’autres
car si nos peaux jamais ne se touchent
d’autres eux tous un deux ce lui
dis-moi inconnue que je sais veux-tu être mon amie
être faire tisser la distance que je ne veux pas
partageons rêves et doigts et lèvres
appel peut-être et soufflé tu es mon air
arbre et racine d’ombre fraîcheur
à tes yeux sourire aurore au-delà
au-dedans cœur d’encore fou je bois
sans toucher encore et ce voile de feuilles
volent et se nourrissent vert printemps
toutes à tâtons glissent toi moi toi
et s’il doit mourir que ce soit ce vide
ce soir sitôt tout de suite
d’une voix à l’autre une seule
dis-moi nous veux-tu ou moi seul
ainsi mon juge fin du jour
ou un autre encore un autre




(Aran)

Aran, jardin des Pierres,
désolé d’hommes,
terre d’histoires et de morts,
un bout d’écorce lithique
vomi des entrailles profondes
— Tous ces siècles...
Aran, tu as fait du temps une légende
et le sang des pêcheurs
se dilue dans l’Amère.
Où sont passés tes hommes ?
Pour quelles malédictions ?
Aran, tu saignes du roc,
et ta peau, douce et chaude en ces Heures,
à présent se craquelle.
Comme tu as dû souffrir
de tout ce sel
qui lape tes plaies
avec l’amoureuse patience
d’une déesse jalouse.
Pourquoi faut-il que ces vagues d’Ouest
détruisent tes rivages ?
Ô Aran, je pense au temps où tu ne seras
plus qu’une pierre.
Ainsi donc tu n’es pas immortelle !

Frontispice de l’Autre Île,
jusqu’à quand orneras-tu
ce Livre
dont tu portes la langue oubliée,
déposée en chaque porte de ton être ?
Car tu es, ô Aran.
Et ces pierres, cette mer, ces vents,
ce chaos d’onde et de lumière,
ils sont tiens, ils sont toi,
et ces noces chimiques
sont ta naissance, sont ta mort !
Elles sont ta mort, et sont la leur !
Aran à la piètre pelisse,
comme tu dois avoir froid,
comme tu dois être seule !
Et toujours, et encore, tu offres le gîte
et aux hommes et aux choses,
toi la simple, la splendide !
Et tes hommes t’aiment,
et ils te haïssent, pourtant,
ceux qui passent les portes de l’Onde !
C’est leur choix, c’est le tien,
et tu les portes, en dépit de tout,
ceux qui ont tressé ces murailles miniatures
en tout lieu sur tes monts vides.
Et que sont-ils, ces murs, ces failles ?
Maisons et prisons,
des fées et des bêtes,
limites où habitent les légendes,
tombes et fêtes...
Délires des Passants, ces farandoles d’elfes ?
Vies d’enfants devenus pêcheurs de rêves ?
Qui sait ? Mais peu importe...
Tes enfants, Aran, naissent en exil,
ils naissent des écumes sèches sur les pierres,
ils naissent, et se réveillent
en cet enfer froid — ton décor —
et apprennent à te craindre,
toi, ton sol avare et tes eaux gourmandes,
tes cieux incertains, tes caprices de chair.
Et pourtant ils t’aiment, ô Aran cruelle.
Aran, où sont tes lèvres ?
Aran, ont-ils le choix ?
(Je t’aime, Aran.)
Et toi, Aran, et toi ?




4.

(…)

nuit tardive nuitée de ciel de thé
obscure au clair mouvant de moi au monde
et le monde se consume comme cette cigarette
et sa fumée volutes arrêtées en gris contre jour
où la lumière ne passe que pour mourir
cigarette d’amour cigarette de mort
brouillard fumée pareil même
m’aime en veille
et ce jardin celui des pierres
trouvé en fin des terres Aran
fin du monde Aran et moi de même
et la pièce ses faces suspendue
tombe et vole et tombe et chut

histoire de-ci de-là où vais-je jamais où tu vas dis-moi etc. matin déjà non pas encore la nuit est longue vire et vole encore obole en silence soir mâtiné certes les guitares toutes trois pleurent je ne sais quoi mais pleurent avec moi concorde concert de larmes pures que n’effleure le monde oui encore celui-là de-ci de-là en quel lieu es-tu nulle part nul lieu millions d’années lunaires claires si claires que l’on n’y voit pas je veux dire moi en quel lieu suis-je ici partout monts et vaux et quel est ton paysage oh là-bas sous la colline la source c’est là où je suis né où je suis mort la source toujours et où vis-tu la vie mortnaissante tout près tu vois ce carnaval de courbes et de couleurs et masques menus ces larges manteau nommés inconnus je m’appelle masqué et j’avance et l’heure de m’aime l’heure est leur non mienne c’est pourquoiparceque tous ces masques mis démis remis ce jour ce soir et le suivant non jamais l’heure est tienne pourquoi rouge parce que laisse-moi mon sang ne t’en mêle pas laisse couler ma source mon

sang non je vais très bien laisse-moi te dis-je la loi de larmes la loi de sang retourne à ton heure laisse ma blanche toge

thé couleur cigare noyé au fond de l’air vrille couleur d’or dors en son lit source toujours elle vole en trille bruissement d’elle passe repasse en œillères qui veulent dire et nuit sans bruit les guitares se taisent do je non rien et cette chose là-dedans toujours qui rapetisse et me resserre amour a-mor bonne nuit nuit d’oubli nuit de veille si l’oubli s’éveille on ne sait où est l’étoile où la lumière où le jour mais si proche entre tes doigts dieu je deviens fou bin ich ein gott non bien sûr que non je suis un homme je suis une femme un enfant quelle surprise quelle mort quel espoir qu’est-ce que c’est dis-moi pourquoi mais qui es-tu je suis petit mademoiselle êtes-vous belle j’ai cru confondre il fait très noir il fait trop clair ah c’est la source jardin des pierres ma terre misère et abondance et querelle pour quelques gouttes pourquoi dis-moi

bonjour oui moi aussi tu me rends fou mais tout va bien hosanna oui zeus est là ou parti tu sais pareil et même misère de l’homme sublime ébauche oui quel dommage cette demie parole a-t-il peur tu crois oh leurre et fuite il y a la nuit pour cela et les minutes parfois dieu que tout s’use vite et l’amour dans tout cela il y en a tant qui n’ont pas encore lui oui comme l’aurore ou crépuscule il faut avoir la foi mon ange oui mortel immortel si peu de temps alors parle que diable tu es vivant le temps le temps trop de temps pour si petit belle prière la joie et l’homme mais si mais si réponse mystère toi loi toi quoi oui je me perds mais la terre si peu m’attire il y avait quelqu’un non ce n’est rien il y a un seuil dans la folie et là juste avant le naufrage il y a le sage do tu me rends fou moi et d’autres pensé-je il serait facile de me laisser errer alors je me retire enfin me diras-tu non c’est injuste bonsoir belle nocturne

il y a une chose que tu ne peux faire rendre les choses simples




Et une danse
Se dessine en prénom
Comme le rébus
de l’humanité.




[…] Dors,

Dors, et danse, danse au milieu des parchemins,
Rêve en ton lieu et cadence d’un rêve fou,
Court et curieux d’une place, début et fin,
De ce monde, mon jardin, où je danse, soûl.




[…]
je devrais boire mais je veux dormir




[…]
O mes amies pourquoi
Parlez-vous à travers ce mur
Comme ces figures antiques qui sont
En moi

[…] savez-vous que je construis aussi
Des choses éphémères
Derrière mon mur

Des choses qui n’existent pas
Qui ont leur jardin
Tout comme vous toutes qui
Existez sans moi




[…]
Je me rappelle ces femmes qui m’ont fait poète.
Je dis cela comme je dirais il pleut.
[…]




ESSAI / A-VOIR


Un
Vent
Vint :
Chant !

Suffirent
Des larmes
Puis : rires,
Vacarme.

Homme et femme,
Homme et homme,
Femme et femme,
Autres même.

Précipités
De ces mélanges
En profonds et
Vifs méséchanges.

Caresses et heurts,
Douce heure animale
Car se cueillent fleur,
Verge, au mont, en val.

Là nul silence d’or,
Nulle bouche fermée
Sur du vide scellé
En ce chaos de corps.

Mais maintes langues qui fouillent,
Mains, pieds et doigts qui agrippent
Ces chairs qui veulent et mouillent,
Qu’elles soient vierges ou frippes.

Extrémités qui vont et viennent
Car l’or gît sous cette surface
Et gémit aux touchers en place
Et lieu des bouches, puisque pleines.

Les orifices sont pris et sur-pris
A chaque un sans cesse ou alternance
Ponctuée de pauses et de transes
Selon vouloir, vaillance ou envie.

Échéance d’une vie centripète
Qui s’excède en ce déchaînement sourd
Ivre d’un trop de volupté, halète
En l’heure médiane où cœurs sont lourds.

Tous ces corps dont la vie se consume plus
Vite ne font plus qu’un en cette césure,
Les extases craquent et s’apaisent au su
De l’alcool bu qui délie les membres mûrs.

Et les têtes et les seins ensemble s’affaissent
Lors le silence reprend son règne et les ceint
Tous du sceau pourpre de fatigue et les délaisse
Une fois les bourses vides et ventres pleins.




doucement
toujours plus doucement
c’est le mouvement que
devraient prendre toutes choses
toutes les choses
que l’on aime
toujours plus fort
oui




(PASSE)


UNE ABYSSALE AISANCE
en l’art de
tourner le temps
de filer, frayer ses fils fragiles
découdre les coussins de sous nos têtes
et en faire des ponts de pluies et
PLAISIRS
suspendus
que ne tiennent que
les deux bouts des bras tendus de
Rencontre
mon-notre amie mienne-nôtre
que ne fige nulle gelée grise
et que ne grise nul vent au guignon
nul alcool
nulle brûlure
nul coup de dents
mais
sa VOIX
toutes ses voix
pourtant
délirent et murmurent
et épellent leur
folie
douce folie
douce
que n’attrappent le temps
(et autres)
mais esquissent
masques et autres
masques
encore
dont le fleuve
accueille
nos
CORPS
NUS
en la vallée

et vont et viennent
et
viennent
et
vont
et

respirent pétales et lèvres
de ces voix
de ces
vents
que ne tient qu’un
fil
petit
celui seul
de sable et de
sang
savoir-saveur
en

l’échappe lâche
de deux incidents
silences
que nos lèvres imposent
celui seul
dont les ombres
se disposent
ainsi
et
déposent
au
SEUIL
et
pas
et
porte
du
Poème
la page blanche du livre écrit

de lettres
blanches
infini
ment blanches
parées des
arabesques
du deuil
que porte
l’herbe
folle




(CANTIQUE)


Pardon
si j’ai pu penser qu’au crépuscule
nos deux corps pourraient séparer le ciel,
si j’ai pu croire
que l’eau mêlée qui baignait nos bassins
effacerait les traces séminales d’autres —

Pardon
si j’ai pu t’écrire :
non
se tenir l’un l’autre
mais
tenir l’un à l’autre,
car l’on ne pouvait choisir d’être libres
ensemble —

Pardon, aussi,
si ma main et mâchoire
ont parfois pressé et mordu

un peu trop fort,
car les traces, éparses et translucides,
s’effaçaient à nos yeux,
non à nos corps —

Pardon
si je t’ai dite amie
si je t’ai dite amante,
car l’on ne pouvait réduire impunément
nos êtres —

Pardon
de t’avoir cherchée, de t’avoir fuie parfois,
car je pensais ne pouvoir lire mes rêves
et ne savoir que mes envies —

Pardon
si je ne pouvais t’aimer
quand tu n’étais pas là —

Pardon
pour toutes ces entraves, tous ces frissons,
ces petites morts, ces naissances promises —

Pardon
si je suis malgré moi les lois de mon corps
si notre dissemblance force l’écart
si notre extase est génétique —

Pardon
si je ne peux donner plus
si je ne demande rien
si je tente si peu
si je suis si fatigué —

Pardon
si je ne comble nul vide
si je ne suffis pas
si je ne peux pas ne pas me détruire


si je ne peux pas ne pas sombrer —

Pardonne-moi
Claire
si je ne sais vivre
et ne sais que passer




LE TRAVERS ET LA REGLE

Le Travers et la Règle se battent tels chiffes
Ou niais et n’en finissent qu’à l’aube venante.
« Je, je suis la plume et toi l’enclume ! » nous chante
Travers. « Voie, envie, je suis l’eau, tu es l’esquif ! »

« J’élève ! » somme la Règle. « Je suis Équerre,
« Je suis Droit, Point de Repère, Montre et Aiguille !
« Je suis Sens et Système, géométrique ère !
« Je fonde et je bâtis : je suis Bâton et Béquille ! »

« Béquille branlante ! » tonna Travers en rire.
« Tu es nécrose et je suis Vie ! L’ardu chemin !
« Rouge rose et épine ! Esquisse et non fin ! »

« Et moi je te méprise ! Tu ne sais que fuir ! »
Ragea la Règle. Et Travers sourit : « Non, par chance !
« Je suis l’Échappe, je suis la Belle, et je danse ! »




MARINE

Ce n’est pas en homme que je t’aime ou t’accueille.
Si je t’aime c’est en Poisson. Non ta surface
Mais tes abysses et fonds — Visages et traces
Fines que tu ébauches, dessines, recueilles :

Ces runes éphémères inscrites en ton sein
Tactile que ceint l’obscur indivis de ton
Être en sa marge frigide — Car au fronton
De ton corps mouvant immobilement mien,

Que sert de voir où chercher une chaleur vaine ?
— Vivre entouré de toi, par toi caché, pressé,
En chose froide et fragile — presque métal—

Te sentir passer en moi — me nourrir Sirène
De ta chair liquide oui… Ô toi… Dériver…
Non pas crypte : Berceau — toi ma nuit sans étoiles.




[…]
S’il faut prendre
le Poème au mot ?
je réponds —
Peut-être.




Oh le beau bouc
court et court si vite
après les jeunes vierges

Non
Pan est dieu
Pan est bête

Pan n’est pas beau
mais
la châsse de son chant…

Sa fine flûte
aux verges multiples
murmurent maintes pertes

(Chants du monstre
qu’écoutent
les arbres)

Pan si triste
d’effrayer l’autre sexe
de n’être astre rouge

Pan triste
et las de courir
Pan boit

Pan boit
et son chant
cet astre triste

Pan boit encore
sa forêt s’effeuille
et son chant cesse

Et les belles
nymphes fuyantes
s’approchent curieuses

Elles s’accrochent aux branches
et se surprennent à le trouver beau
triste bouc ivre en sa couche lâche

Oh le beau bouc
court et court si vite
après les jeunes vierges




[…]
les corps n’en font qu’à leur tête
[…]




[…]
rouge
et pourtant si claire
ô rêves d’après cépage
et d’avant terre




LE PROPHETE


Moi : « Pourquoi…? »

Le prophète disait :
« Regarde cette herbe qui bruit. »

Il se taisait de longs moments
les yeux clos sur son vide.

Moi : « Et si…? »

Le prophète disait :
« La claire saison peut-être passe. »

Il se taisait de longs moments
les yeux clos sur mon rêve.

Moi : « Pourtant…? »

Le prophète disait :
« Pas même ce baiser que je te donne. »

Il souriait de longs moments
les yeux rivés à mon visage.

Moi : « N’avais-tu…? »

Et le prophète se riait de mes attentes.

Moi : « Mais si je…? »

Et le prophète se riait de mes réponses.

« Cette folie…? »

Et le prophète s’endormait, très doucement.




DANS LE PUITS IL Y A

Dans le puits il y a
des crevettes petites
des rêves épars et pillés
des lunes liquides
de l’eau et de la terre

Dans le puits
tout le monde s’y retrouve
des pièces y tombent
les moustiques s’y lovent
les gens parfois aussi

Dans le puits
résonne la parole reçue
se noient les secrets
qu’exhume le vent
s’y lavent maints linges

Dans le puits
l’on tourne en rond
larmes brisent miroir
où se coulent les pleurs
court le seau sur la corde pour nos bouches sèches

Dans le puits
sommeille sûrement un trésor
que protègent basilics alambiqués
alors que les passants passent
et y lancent leurs boules de gomme

Dans le puits
tout s’oublie même la pluie
il fait sombre il fait froid
de ce domaine la mousse est maître
et le même est sa demeure
immuable

Dans le puits
le centre en tout point
ondes entrelaçées en écho au caillou
vie sans fruit
parce qu’eau

Dans le puits
maladie du cercle
matière dé-serve
savoir défait
saveur mouvante

Dans le puits
trop de choses
et pas assez




LA CAVERNE ET L’AMPHORE

Qu’il fait sombre en ta maison
On y tombe comme en un puits

Il est des chaînes placées pour tous
et chaque un possède la clé
de l’entrave qui l’entre-tient

Pourquoi tous demeurent-ils
à scruter cette muraille ?
Elle doit être bien spéciale…

Il y a une fenêtre — c’est la porte —
mais personne ne la regarde
peut-être ne la voient-ils pas

Ils me disent regarder les ombres passer
mais dehors il n’est que nuages
à moins que ce ne soir leur ombre à eux
qu’ils fixent insistamment

Cet antre ne me plaît pas vraiment

Personne ne parle avec personne
S’ils ont soif ils lèchent la paroi qui suinte
S’ils ont faim ils se mordent un bout de bras

Ils défèquent sur le tas d’excréments du voisin
et pissent le long de leur jambe
Ils n’ont pourtant pas l’air d’être si tristes

ils rient ils pleurent
ils se masturbent frénétiquement
C’est peut-être pour cela
que leurs torses et bras sont si forts
mais que leurs jambes ne sont qu’os

C’est qu’ils ne doivent pas souvent danser
leurs pieds ont la couleur de la roche

Comment se fait-il
que le seul qui sourie
soit ce chien qui dort en son amphore ?

Je préfère sortir d’ici
Direction dehors

Comment ça on ne sort pas ?
C’est trop haut ?
je vole alors




CES POEMES

Je ne sais ce que sont
ces gouttes que j’égrène.

Tu me demandes ce
qu’elles veulent bien dire.

Mais ni elles ni moi
ne veulent ni ne disent.

Ces gouttes sont autant d’adresses.
Tu es celle qui tisse.

Elles n’étanchent nulle soif
mais demandent ta bouche.

Une poésie qui coule comme l’eau claire
voilà ce que je veux
une parole liquide
des mots qui se donnent
et se détachent
des mots qui se donnent
et s’évanouissent
au gré de la voix
comme l’eau
que l’on tente de saisir
et non de boire
coule entre nos doigts

L’eau vive et dormante
l’eau est la voie




Ton corps et la fatigue —
à sombrer sans souvenir
d’abus en lice
murmurent encore maints vaisseaux noirs
vouloir l’enchaîne, brusquer l’échine
pourquoiparceque l’écart multiple le même
et ce flot ininterrompt des chairs
sans jamais cette terre asile qu’est ton corps
et lisses le jour et courtes ces nuits
où s’épuise le chant silencieux des rêves
ce tribut tabou payé au calice du sexe —
pose ta valise pose donc ta tête,
Alice.




Ah ! A quoi riment ces routes où tu n’es pas ?
Ces rives où tu ne t’accoles ? Ces champs où
Tu ne danses ? — Sais tu ? je ne choisirais pas
Si m’était donné le choix de — Je ne suis pas fou.

— Où est ma place ? — Où est ma voix. Au creux du corps.
— Et ta taille sans corset ? — En mon cœur sans maille.
— Et ton visage ? — Ma bouche au son de ton cor.
— …Visage…— N’écoute plus ces rires qui raillent.

Mon sourire repose au creux de ton épaule.
— Ton corps tacheté…— Corps où l’histoire se niche.
— Nos corps aux traces étranges. — Non : nos cous seuls.

— Et en ta surface mes mains cherchent ta bouche.
— Non : tellement d’espace toujours entre nous.
— Oui, ma chair. Saluons le soir, et dansons, soûls.




Ce bout de chair rouge
sur le lit blanc
il vit
et ne vit pas
toi
à toi
chaud encore
ce petit bout de chair
rouge sur le lit
(un morceau de ton ventre !)
instant
qui se prolonge
maintenant
et moi




C’est l’histoire d’une catin
qui buvait dans une cithare
elle dansait entre deux fils
qui chantaient faux entre deux soirs

Oui elle aimait beaucoup la ville
ses feux ses lumières et phares
et puis les fraises au creux des bois
lors que la lumière décroît

Elle aimait rire elle m’aimait moi
elle est partie je n’sais pour quoi —

un funambule un homme de l’air
ou un gros clown plus terre-à-terre
pas un dompteur ! soyez-en sûr
elle est partie pour la vie-vole

celle qu’on attrape sans blessure
d’un coup de cœur d’une parole
et c’est sa vie elle lui va
moi je n’sais pas mais je l’envie.




[…]
le chut des choses qui tombent en chœur
l’écho des gouttes en désaccord
[…]




si nous pouvions fermer nos veines
rien sinon soif ne coulerait sur cette palette
où une femme rêve




Sur les rives de la Seine
dansent, balancées,
les péniches noires
aux verres ajoutés
elles tanguent sur l’eau grise
où flottent quelques déchets

Un peu plus haut les livres
dorment en leurs boîtes
usés par les mains badines
des badauds insensés
et stupides pour qui
rimbaud vaut mickey


Plus loin s’agglutinent
ces mêmes gens en leurs autos
qui avancent, entre ennui et rage
au pas
des feux et des sirènes

Plus haut que terre d’autres
encore dorment ou cogitent
en silence, bruit ou musique

Et en bas courent, mécaniques,
les utiles en leurs carcasses de fer
de sous et dans la vieille ville

Très haut passent les nuages
sur fond bleu clair

Et de ce fil de terre
qui me relie aux hommes
seules demeurent les étoiles




fanny claire juliette et do
vous aussi autres encore qui doucement
s’effacent je vous écris et j’écris vous haut
et clair une fois comme toutes en cet an

nouveau vous toutes vous que j’aimerais aimer
et vous que j’aime celles-là seules qui dansent
en ma tête et corps car vous me faites m’avez
fait ô femmes à qui sans cesse je pense

vous êtes le miroir et reflet du chemin
qui est mien et autre vôtre mes demoiselles
et ses couleurs de plaisir et peine mes belles
je vous les dois sans vous le dire

et toi oui toi qui m’accompagne ma légère
ma fragile toi oui toi qui m’es tant ma chair
tu me rends la vie facile et c’est déjà tant
et si difficile cette ficelle folle

sans ton chant Alors sache qu’à toi sont ces temps
et ces silences et ces sourires que nulle
ne voit ceux-là seuls à toi toi parole et voix
oui toi celle seule que je ne nomme pas.




Je m’imagine encore M’imaginant t’écrire
T’écrivant ces mots simples et bannis Ces mots
Délirants et doux qui nous valsent et chavirent
Ces mots petits et chauds qui viennent un peu tôt

Ces mots de soie ces mots de fil Ces mots satyres
Qui font moins peur que rire Légers et lourds Mots
Qui tournent et virent en nos cœurs Et délires
Ces mots salés salis par ces têtes de veau

Et leurs mains grasses et qui Pourtant tout au pire
Nous sentent santal alcool et coquelicot
Ces mots des prés des granges de paille aussitôt
Levés que lavés d’autres moiteurs et sourires

(Et je laisse ces Mots de Feu de Terre et d’Eau
Fondés Car ceux-là Seuls nos corps les peuvent Dire.)




Si l’on reste assis Là sur le neige blanche tombée tantôt Lors qu’il neige un peu encore Lors que le monde est de lumière N’est-ce pour poser nos têtes labiles et d’autres échos incertains qui sonnent en nos cœurs et dont on ne sait que faire

Que dire de ces vents qui soufflent au dedans
ils sont tellement miens et pourtant tu les aimes
j’aimerais aimer comme on aime une fontaine
et d’ailleurs tout glisse si bien sous le vent

si l’on n’a qu’un nid c’est pour sauver ceux que l’on aime

ô marée du temps —
pourquoi craindre ce qui n’est pas
nous sommes chez nous chez toi
ces longs espaces vierges
dans nos têtes

ô mariés du vent —
embrassez embrassons
laissons là ces pétales
et ces voiles nouvelles
voguer au petit jour
tourner aimer d’amour
ces quelques unes sur
le chemin que tout soit

enfin fête

Si l’on reste assis Là sur le neige blanche tombée tantôt Lors qu’il neige un peu encore Lors que le monde est de lumière N’est-ce pour poser nos têtes labiles et d’autres échos incertains qui sonnent en nos cœurs et dont on ne sait que faire

que tout soit fête facile
où l’on laisse penser les corps
écoutez-moi un peu encore
je ne sais rien mais je peux faire
faites pareil n’écoutez pas
ces bruits qui cognent à l’oreille
voyez plutôt la main et l’œil
et les marées qui les gouvernent
et tous ces mots qui les silencent

que tout soit fête facile
où on laisse penser les corps

car les corps jamais n’en font qu’à leur tête
et l’on suit toujours et d’autres précèdent

ne m’écoutez pas : à chaque un son corps, chaque un sa tête
et l’on suit toujours — sans vraiment savoir
mais on parle ensemble : on bâtit des ponts

avec ceux que l’on aime

Si l’on reste assis Là sur le neige blanche tombée tantôt
Lors qu’il neige un peu encore Lors que le monde est de lumière
N’est-ce pour poser nos têtes labiles et d’autres échos
Incertains qui sonnent en nos cœurs et dont on ne sait que faire

ô mes amis —
laissons donc les choses se faire.




C’est comme ce jeu d’ombre et de lumière
dans la ramure nouvelle au platane
ces teintes folles de blanc jaune vert
aujourd’hui franche et qui demain se fâne

Mais qu’importe — Paris est agréable
très peu de bruit, du soleil et un chant
celui de l’eau de l’air comme une fable
plus simple est la vie du côté du vent

C’est un de ces jours qui gomment les autres
c’est un de ces jours qui somment les ans
c’est un de ces jours qui est mien et vôtre
et qui dans son cours efface le temps

Un de ces jours où la vie vole et coule
où les mains rêvent et où les pieds dansent
et où les visages qui nous sont doux
lèvent au rappel nos vaines dépenses

Et l’on aime à voir passer les passants
à s’arrêter sur une jeune fille
dont le visage se rit du printemps
et qui d’un coup d’œil cœur et corps titille

Ah comme j’aime ces jours et ces soirs
où les lendemains paraissent la veille
tranquilles entre solitude et foire
et clos entre une amie et une bouteille.




Comment faire avec cette grande tristesse
au cœur et tenace elle qui toujours s’esquisse
elle sourd de sous la terre il faut l’aimer l’aimer
et la distraire occuper son corps pour la faire
taire et béni des dieux ce qui ne pense pas
et œuvre la nuit à l’éveil comble et de sable
fait car la mer bien tôt viendra raser ses pas.




J’aimerais croire
mais n’est-ce pas un peu fou ?
qu’écrire que parler n’est pas vain
que d’aucuns aiment l’amour
comme d’autres aiment la bière
(je parle des choses du corps
et des boissons de bruxelles
de ces choses qui sont une
et pourtant plus qu’alors)
et un peu comme une drogue
comme un remède fatal
J’aimerais croire que
toujours et jamais on est seul
un peu comme un arbre
un peu comme l’herbe
Qu’on ne soit qu’ici et là
Qu’on puisse rire et s’entendre
et pleurer sans s’en défendre
et d’autres choses encore
Où sont ceux Où sont ces corps
que j’appelle de tout mon cœur ?
Répondez-moi je vous en prie
car si vite le sable avance
Vous me trouverez là où l’ivraie croît
sous un saule après les pleurs
là où les temps sont durs
(ils sont faciles à vivre)
là près de la pierre et près de l’eau
au milieu des choses
et de chacune
là où l’on crée ce qui dort
et où ce qui vit meurt
un peu plus de soir en soir
répondez-moi je vous prie
car avec l’espace
croît l’impatience.




« Une dent pousse. »

Ô ma dent de lait neuve et blanche,
n’étais-tu pas bien,
dans ma gencive ?




Si jamais l’on n’est seul, où sont ceux que j’appelle ?
Me laissera-t-on dormir, un jour de ces fêtes
Que tous décident, ne veulent, avec leurs têtes
De carnaval et leurs chants d’ombre et d’étincelle ?

« Il faut ! Il faut ! Il faut ! » : voilà l’ave que tous
Comme un seul homme égrènent sur leurs chapelets
De vent, leurs chapelets de terre, d’herbe et de mousse
Sur lesquels rien ne pousse et les mains se figent.

De glace ils sont de glace et de glaise ! Fumées
Que leurs visages ris au tour desquels voltigent
Les mouches du remord et de l’oubli.

Mais quoi !
S’il ne me plaît pas, à moi, d’ensemble pourrir ?
S’il ne me plaît pas, à moi, que l’ennui s’installe
Au cœur des encontres nouvelles et de ces rires
Socials ? Je n’ai pas besoin du nombre : le peu

Me suffit. Ne croyez pas que je joue au comptable :
Qui sait encore ce qu’est que l’ami ? On veut
Du nombre, ai-je dit : ensemble on se scinde en cent
Et multiplie à l’infini sans rien donner.

« Sors et vois des gens ! » : voilà encore un ave.
Tous sont pressés. J’aime ceux qui prennent le temps.

On me dit que c’est bizarre de demeurer.
On me dit qu’il faut s’ouvrir, partager le pain,
Que c’est très-révélateur, certes pas très sain,
De n’aimer la compagnie, de ne pas pleurer.

Alors on me dit solitaire, étrange ermite,
Et l’on me taxe de diverses maladies,
Du syndrome de la soupe et de la marmite,
Problème relationnel, inapte à la vie.

Et moi je ris je ris, ne répondrai pas même.

Je suis la mer et l’océan, et la montagne
Et la plaine vive, le café et la crème,
La promesse et la parole tenue, la poigne
Et la caresse, la mémoire et l’oubli — Oui.

Et qu’importe si l’on prêche dans le désert,
On vit comme on meurt, ce qu’on peut n’est rien. La vie
C’est cela et autre chose : on peut dire — ou faire.




Porter de tout son cœur en nous ce qui est lourd,
[…]




La plante roule sur le balcon.
Sa terre hors du pot s’éparpille
Et s’envole, poussée par le vent.

Dans la vie on en fait tout autant
Quand on se cherche, égare et gaspille.
Restent idéaux clairs et abscons.

Choses brisées par inadvertance,
Celle encontrée par tour du destin,
Qui nous joue qu’on trébuche ou qu’on danse,
Que ce jour soit disette ou festin.

On subit nos vies : d’autres nous poussent,
Qu’ils soient faits de chairs ou bien d’idée.
C’est bien pratique, on s’en accomode.

Qu’on s’affranchisse d’un ou de tous,
C’est là par soi-même décider.
Être libre, aussi, est à la mode.

D’illusion en illusion l’on vogue,
S’accroche à des fantômes et pas
Marchés en pleine lumière, pas
D’avant loin, de fleur, et d’après bogue.

On s’en souvient de manière vague,
On s’accroche à des corps, impressions
Et faces, sans vraiment savoir si on
Vit, se rappelle, rêve ou divague.

Où sont donc passés ces temps faciles ?
Quand reviendront les joies sans torts,
De terre et de ciel consumés, forts
De chairs entremêlées là, fragiles ?

On nous dit de vivre maintenant,
Que n’existent passé ou futur,
Qu’il faut prendre femme et procréer,
Avoir travail et propriété.

Mais il y a toujours choix, enfants,
Entre la pourpre et robe de bure.

Lors n’écoutez pas ces voix qui tournent :
Elles ne veulent que vous plier.
Rappelez-vous et oubliez-les :
De la voie droite l’on se détourne

Volontiers. Il n’en est pas qu’une,
Mais fuyez haine, peur et rancune.
Chevauchez le soleil et les vents.
Pour être tout il est encor temps.




À semer des graines de discorde,
L’on ne récolte que fruits amers,
Qui pendent pourris au bout de cordes
Tressées par nos soins faibles et fiers.




Paris sous la pluie est une triste chanson
Je le lis dans les ris je le lis dans les cœurs
Bien que l’on pense le contraire à l’unisson
Et la nouvelle année porte en elle une erreur.




On était homme à seize ans ;
Femme, à treize lors, en ces temps.

On se battait dans les foires,
on combattait des dragons ;
Elles agitaient leur mouchoir,
elles se gavaient de bonbons.

Elles se mouraient d’amour,
et nous, nous mourions tout court.

C’était certes pour leurs beaux yeux
(et grassouillette apparence) ;
Mais nous eussions aimé mieux
leur retourner tous les sens !

Elles se mouraient d’amour,
et nous, nous mourions tout court.

On disait la flamme à ces belles,
tous en pleurs, et à genoux :
Nous nous brûlions la cervelle,
après séjour dans la boue.

Elles se mouraient d’amour,
et nous, nous mourions tout court.

L’histoire n’a pas changé ;
mais l’on enconne, l’on déconne,
on les prend moins belles que bonnes :
c’est la rançon du succès.

Les temps sont très difficiles
à l’esthète solitaire :
elles veulent mari docile,
et surtout ciel par-dessus terre.

Elles se mouraient d’amour,
et nous, nous mourions tout court.

Maintenant, c’est à petit feu
qu’on meurt, entre amour — et jeu.

On est homme à l’âge quarante,
et déjà plus très femme à trente !
Allons donc bien dîner :
la vengeance est consumée.




Un sage ou un fou, au choix et sans conséquence,
Un jour triste de printemps, de soleil et vert,
À l’ombre fraîche, seul, des livres ouverts,
Domaine à l’heure où les oiseaux pépient sans cesse,

Rêvait, rêva de tout son cœur un monstre aimable.
C’est Montaigne en sa tour, écrivant ses Essais,
Montaigne, en deuil encor, qui soupire et voudrait
Une femme au cœur d’homme — de chair, non pas fable.

Il l’attendit en vain ; nous ne l’attendons plus.
Depuis long il est mort, et nous ne vivons plus.
C’est Sodome, et Gomorrhe, et tout est séparé,
Plus encor, nompareil. L’androgyne est tué.

Il nous faut rester seuls, nous aussi : c’est faute à
Connaître les hommes — et leur méchant échalat.
Pauvre ! le monde a renversé son vœu de belle.
Et naissent des mâles au cerveau de femelle.




I am in search of one lady
who would like me for what I’m not,
care for some peace and mind my pot
filled with coffee — and hers with tea.

I would rather she were pretty,
joyful and gay, most constantly —
as for the rest, it matters not.

(I would not mind she were wealthy,
for that — I’m sure — is not my lot.)




Il faut manger car tout ce qui nous entoure nous dévore

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