dimanche 31 mai 2009

N (2004), chapitre douzième.

Chapitre douzième,
Où, modestement,
L’on reproduit
Ce qui s’est écrit ce jour.


« Les gens sont tristes. Les hommes, les femmes. On vit nos vies comme on mâche une salade : sans goût. Alors on se persuade, on se motive, pour des choses qu’au fond l’on sait vides : on assaisonne, pour faire passer l’insipide, l’inutile. C’est une perte, le vide même est une perte, car on ne remplit rien : on ne sait pas même que le récipient existe. Au lieu de survivre en s’accrochant aux promesses — que l’on sait vaines, puisqu’on en veut toujours plus — des fastes, des structures ou du numéraire, on pourrait vivre, tout et plus simplement. Les besoins sont restreints : nutritifs, sensuels, dans un environnement sans trop de pressions ou contraintes. À la limite, des soupers entrecoupés de sexe : voilà l’idéal. Dépense, reconstitution : chaîne du vivant. Ensuite, c’est vrai, il faut vivre avec l’autre, avec les autres. De l’importance de bien choisir. Car tout peut être simple. Car oui, on se complique la vie. Trop de choses — attaches, réserves et interdits — interfèrent. Des choses dont il faut se défaire. Tout le monde ne le peut pas : il ne suffit pas de vouloir. Englués, nous sommes tous englués, dans ce que nous croyons être, dans ce que nous croyons que les autres, les choses, nations et mondes, sont. Or cela n’a pas d’importance. Nos sociétés — nous, recherchons l’indifférence, l’indistinction : hommes-femmes, femmes-hommes. À quoi bon ? Différence. D’elle ne naît ce jour que haine et incompréhension : notre monde est éradical, c’est un monde de la borne et de la limite, un monde de l’impossible. Foutaises ! On ne donne plus que pour recevoir. L’on a même peur de recevoir, de peur de devoir donner en suite. Comme c’est triste ! On préfère nos rêves. On se drape d’images et d’illusions pour pouvoir se supporter, puis on attend que tout passe. Et pourtant l’on meurt si vite ! Qui se mettra un jour nu devant moi ? — Bon, peut-être le temps de dormir un peu avant de se mettre en rail. »

N ferma son cahier, posa sa plume, se renversa dans son fauteuil, et rapidement s’assoupit.

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