mardi 12 janvier 2010

Textes courts : Distance

DISTANCE.


Cela fait bien longtemps que tout contact physique entre les humains a cessé.

La poste, le téléphone, internet, et ses développements les plus récents, ont rendu superflue toute rencontre directe. La distance entre les êtres croît sans cesse chaque jour.

Grâce aux progrès rapides de la science, et particulièrement de ses applications dans le domaine génique, l’on ne s’embarrasse plus même des désagréments de la paternité, de la maternité, et de l’enfantement. Toutes ces fonctions, jadis nécessaires à la reproduction de l’espèce, se font à distance, par mille interpositions et services.

Le désir, terme aujourd’hui désuet que recouvre celui de pulsion sexuelle brute, était le moteur premier de la reproduction en d’autres âges moins civilisés, tour de la nature à fin que le cercle ne soit rompu.

Il est aujourd'hui mille manières des plus extravagantes de le satisfaire : les machines s’acquittent de cette tâche à merveille. On peut même, s’il nous trouble ou nous empêche, le supprimer. Un simple formulaire décide de son sort et nous en débarrasse.

Sait-on seulement à quoi ressemble l’homme de nos jours ? Les miroirs, et par extension toute surface réfléchissante, ont été déclarés nuisibles à la communauté. Je ne sais pas même la forme de mon visage.

C’est cette simple raison qui m’a décidé, il y a vingt-deux ans, à embrasser l’état d’historien.

C’est un métier déconsidéré, au traitement infime, lequel me permet à peine de vivre. La plupart des archives nécessaires à mon travail sont depuis long détruites, ou d’un accès difficile, voire impossible par voie légale.

Je sais que rien de ce que je ferai ne changera l’état des choses.

Mais je ferai tout pour savoir à quel moment et pour quelles raisons, tout tourna mal.

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