FAIBLESSE.
Je ne suis pas faible, mais bien plutôt : ça m’arrange.
On me méprise un peu, mais on me passe le reste de mes caprices au compte de mes faiblesses.
Je me les suis toutes attribuées : fausse modestie, individualisme forcené, flatterie, complaisance torve, séduction effrénée de l’un et l’autre sexe afin d’être entouré, fatuité, vanité, lâcheté, fuite maladive des contraintes, suffisance démesurée, mensonges — et que sais-je encore ?
Il est évident que toute personne n’est pas contituée de manière telle qu’on puisse me supporter avec aisance sur le long terme. Mon jeu risque avec le temps d’être découvert, et mon entourage se dépeuple toujours plus.
C’est pourquoi j’ai fait mienne une arme infaillible : le chantage affectif, lequel retient en mon tour les quelques personnes qui m’aiment malgré eux.
Il me suffit d’exacerber toutes mes faiblesses, sous le couvert d’un masque méchant de folie irraisonnable et forcenée, et de jeter à la figure des gens qui m’entourent depuis long temps, tout le mal que je pense d’eux en l’exagérant à peine.
Le secret est de ne s’excuser jamais et de recommencer à intervalles réguliers.
Quelques uns ne le souffrent pas ; mais les autres me restent indéfectiblement attachés : peut-être craignent-ils également la solitude. Peut-être aussi ont-ils peur de s’avouer avoir perdu un temps considérable à la fréquentation d’un esprit faux et trompeur comme le mien. Qu’en ai-je à faire ? — ce fut leur choix. Je suis après tout exceptionnel, à ma manière.
Cela fait de nombreuses années que dure ce manège. Les vieux chevaux font de l’acquis une habitude jusqu’à la mort.
À mes faiblesses se sont ajoutés maints vices, auxquels celles-là m’ont logiquement mené : dépense outrancière, satisfaction frénétique des passions vénériennes qui de l’intérieur me dévorent, irresponsabilité et parjure systématiques dont maintenant je jouis même.
Je vois pourtant l’usure qui gagne mon corps et mon âme, ainsi que le mal que je fais aux autres. Le regret parfois un instant me saisit à contempler le désarroi de ceux qui partagent ma vie et la manière avec laquelle les plus attachés se démènent pour m’aller faire mieux ; mais de cela aussi je jouis.
Le repentir et l’aveu sont pour moi impensables : ce serait renier tout ce que fut ma vie. Car je ne rappelle plus même ce qu’elle fut avant cela : le masque terrible que je façonnai et porte en permanence sur mon visage, est à présent entré profondément dans mes chairs. Tenter de l’en retirer équivaudrait à ma mort.
Je ne saurais non plus nier que je goûte cette belle figure à laquelle je dois mon succès, et ce même si ne m’échappent pas les méchantes rides qui le marquent un peu plus de jour en jour. Cela charme encore les jeunes filles.
J’espère seulement que ce rictus ne me sera jamais trop insupportable, car alors je n’aurai pas le courage de me tuer.
Je me recommanderais au Diable même afin de ne souffrir cela si celui-ci n’était la seule et piètre excuse que l’on forme pour disculper nos choix.
Je pourrai toujours me faire interner, et ainsi jouir de l’impunité des malades. Ce sera pour moi une tâche négligeable et bien facile : ma vie parlera pour moi.
Il est doux d’être faible.
Je ne suis pas faible, mais bien plutôt : ça m’arrange.
On me méprise un peu, mais on me passe le reste de mes caprices au compte de mes faiblesses.
Je me les suis toutes attribuées : fausse modestie, individualisme forcené, flatterie, complaisance torve, séduction effrénée de l’un et l’autre sexe afin d’être entouré, fatuité, vanité, lâcheté, fuite maladive des contraintes, suffisance démesurée, mensonges — et que sais-je encore ?
Il est évident que toute personne n’est pas contituée de manière telle qu’on puisse me supporter avec aisance sur le long terme. Mon jeu risque avec le temps d’être découvert, et mon entourage se dépeuple toujours plus.
C’est pourquoi j’ai fait mienne une arme infaillible : le chantage affectif, lequel retient en mon tour les quelques personnes qui m’aiment malgré eux.
Il me suffit d’exacerber toutes mes faiblesses, sous le couvert d’un masque méchant de folie irraisonnable et forcenée, et de jeter à la figure des gens qui m’entourent depuis long temps, tout le mal que je pense d’eux en l’exagérant à peine.
Le secret est de ne s’excuser jamais et de recommencer à intervalles réguliers.
Quelques uns ne le souffrent pas ; mais les autres me restent indéfectiblement attachés : peut-être craignent-ils également la solitude. Peut-être aussi ont-ils peur de s’avouer avoir perdu un temps considérable à la fréquentation d’un esprit faux et trompeur comme le mien. Qu’en ai-je à faire ? — ce fut leur choix. Je suis après tout exceptionnel, à ma manière.
Cela fait de nombreuses années que dure ce manège. Les vieux chevaux font de l’acquis une habitude jusqu’à la mort.
À mes faiblesses se sont ajoutés maints vices, auxquels celles-là m’ont logiquement mené : dépense outrancière, satisfaction frénétique des passions vénériennes qui de l’intérieur me dévorent, irresponsabilité et parjure systématiques dont maintenant je jouis même.
Je vois pourtant l’usure qui gagne mon corps et mon âme, ainsi que le mal que je fais aux autres. Le regret parfois un instant me saisit à contempler le désarroi de ceux qui partagent ma vie et la manière avec laquelle les plus attachés se démènent pour m’aller faire mieux ; mais de cela aussi je jouis.
Le repentir et l’aveu sont pour moi impensables : ce serait renier tout ce que fut ma vie. Car je ne rappelle plus même ce qu’elle fut avant cela : le masque terrible que je façonnai et porte en permanence sur mon visage, est à présent entré profondément dans mes chairs. Tenter de l’en retirer équivaudrait à ma mort.
Je ne saurais non plus nier que je goûte cette belle figure à laquelle je dois mon succès, et ce même si ne m’échappent pas les méchantes rides qui le marquent un peu plus de jour en jour. Cela charme encore les jeunes filles.
J’espère seulement que ce rictus ne me sera jamais trop insupportable, car alors je n’aurai pas le courage de me tuer.
Je me recommanderais au Diable même afin de ne souffrir cela si celui-ci n’était la seule et piètre excuse que l’on forme pour disculper nos choix.
Je pourrai toujours me faire interner, et ainsi jouir de l’impunité des malades. Ce sera pour moi une tâche négligeable et bien facile : ma vie parlera pour moi.
Il est doux d’être faible.
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