SISYPHE.
La présence par moi remarquée de la moindre poussière me met dans un état de malaise intolérable.
Il faut absolument que tout soit en ordre, bien à sa place, et propre. Il va de soi que cette tâche occupe la plus grande part de mes journées, car la poussière s’insinue partout.
J’ai bien essayé de clore et colmater portes et fenêtres de manière hermétique ; mais, après observation, il s’est trouvé que ce n’était un obstacle suffisant au dépôt continuel de cette fine couche qui m’exaspère. M’est avis que l’air lui-même en est la cause, et à cela je ne peux remédier.
Mon maigre arsenal n’est donc composé que des habituels ustensiles et machines qui permettent de nettoyer toutes les sortes de surfaces. Je possède une grande variété de ces armes ménagères, afin de n’être pas prise en défaut. Une pièce entière de mon appartement est consacrée au rangement de celles-ci.
Je suis constamment sur le qui-vive et veille également à prévenir toute tache : on n’est jamais à l’abri d’un accident, de la malchance ou de la maladresse, fût-elle la mienne ou celle d’un tiers.
J’eus quelques temps un compagnon ; mais, aveuglé par l’amour, j’eus la faiblesse de négliger mon combat. Cette intimité fut brève : il n’était, après tout, qu’un nid à poussière et une source constante de saleté.
Je ne reçois plus de visite et ne fréquente plus les gens que par nécessité : cela requiert en effet une attention de tous les instants et se révéla trop éprouvant pour ma faible constitution. C’est bien mieux ainsi. Je peux à présent me consacrer pleinement à mon ouvrage.
Il est évident que la propreté dans laquelle je tiens tout ce qui m’entoure est aussi l’état dans lequel je veux et dois maintenir ma personne. Cela est d’autant plus important que j’ai appris il y a peu que le corps humain produit en permanence un nombre incalculable de déchets presqu’invisibles, lesquels, par exemple les cellules mortes de la peau, constituent une part non négligeable de la poussière d’intérieur.
Toujours mieux vaut prévenir que guérir. Je me livre donc à un examen scrupuleux de mon corps, et cela plusieurs fois par jours, afin de me débarrasser de ces impuretés avant qu’elles ne se détachent de moi. Paille de fer et détergents se révèlent excellemment adéquats pour cette tâche.
Mon corps n’est plus qu’une plaie, mais l’assainissement est à ce prix. Des bandages renouvellés après chaque nettoyage garantissent par ailleurs que rien ne s’en échappe.
Je souffre de moins en moins ce corps que j’habite : ce n’est qu’une enveloppe dégoûtante dont chaque parcelle et orifice vomit et suinte d’innommables liquides. Que dire de ceux qui n’en prennent comme moi soin ? Tout cela me révulse. Comme j’aimerais être un pur esprit !
Je sais que je suis malade ; mais je n’y puis rien faire.
La présence par moi remarquée de la moindre poussière me met dans un état de malaise intolérable.
Il faut absolument que tout soit en ordre, bien à sa place, et propre. Il va de soi que cette tâche occupe la plus grande part de mes journées, car la poussière s’insinue partout.
J’ai bien essayé de clore et colmater portes et fenêtres de manière hermétique ; mais, après observation, il s’est trouvé que ce n’était un obstacle suffisant au dépôt continuel de cette fine couche qui m’exaspère. M’est avis que l’air lui-même en est la cause, et à cela je ne peux remédier.
Mon maigre arsenal n’est donc composé que des habituels ustensiles et machines qui permettent de nettoyer toutes les sortes de surfaces. Je possède une grande variété de ces armes ménagères, afin de n’être pas prise en défaut. Une pièce entière de mon appartement est consacrée au rangement de celles-ci.
Je suis constamment sur le qui-vive et veille également à prévenir toute tache : on n’est jamais à l’abri d’un accident, de la malchance ou de la maladresse, fût-elle la mienne ou celle d’un tiers.
J’eus quelques temps un compagnon ; mais, aveuglé par l’amour, j’eus la faiblesse de négliger mon combat. Cette intimité fut brève : il n’était, après tout, qu’un nid à poussière et une source constante de saleté.
Je ne reçois plus de visite et ne fréquente plus les gens que par nécessité : cela requiert en effet une attention de tous les instants et se révéla trop éprouvant pour ma faible constitution. C’est bien mieux ainsi. Je peux à présent me consacrer pleinement à mon ouvrage.
Il est évident que la propreté dans laquelle je tiens tout ce qui m’entoure est aussi l’état dans lequel je veux et dois maintenir ma personne. Cela est d’autant plus important que j’ai appris il y a peu que le corps humain produit en permanence un nombre incalculable de déchets presqu’invisibles, lesquels, par exemple les cellules mortes de la peau, constituent une part non négligeable de la poussière d’intérieur.
Toujours mieux vaut prévenir que guérir. Je me livre donc à un examen scrupuleux de mon corps, et cela plusieurs fois par jours, afin de me débarrasser de ces impuretés avant qu’elles ne se détachent de moi. Paille de fer et détergents se révèlent excellemment adéquats pour cette tâche.
Mon corps n’est plus qu’une plaie, mais l’assainissement est à ce prix. Des bandages renouvellés après chaque nettoyage garantissent par ailleurs que rien ne s’en échappe.
Je souffre de moins en moins ce corps que j’habite : ce n’est qu’une enveloppe dégoûtante dont chaque parcelle et orifice vomit et suinte d’innommables liquides. Que dire de ceux qui n’en prennent comme moi soin ? Tout cela me révulse. Comme j’aimerais être un pur esprit !
Je sais que je suis malade ; mais je n’y puis rien faire.
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