mercredi 23 février 2011

Textes courts : Imaginer

IMAGINER.


Les enfants aiment à se raconter des histoires. Les inanimés lors s’animent, des liens se tissent entre les choses. Le moindre roc se colore, prend vie, devient plus qu’il est. Maintes tragédies se jouent à l’heure du bain. Les poupées s’aiment et se déchirent. Se font et se défont maints univers au gré du créateur.

Puis on mesure le peu de prise qu’on a sur l’autre univers, celui qui nous entoure. Non que nous ne le sussions pas : c’était rengaine inaltérée, des parents, des professeurs, des « grands » — le démiurge est un esclave. Quelle curieuse fierté l’on tire de ce savoir.

Les voix de dans nos têtes se font plus rares. Dans les couloirs d’université, les connaissances remplacent les poings des cours d’école. On conçoit, bâtit, écrase, change et défigure, très-satisfaits, insatisfaits, on recommence. Histoire de l’humanité en miniature. En fin, des têtes in-octavo gouvernent des corps imbéciles. Ceux-ci et celles-là sont secs, pris dans la graisse des formes.

Est-il possible d’errer plus encore ?

La lumière pourtant n’est pas sèche ; l’œil moins encore servile.

Les choses à présent nous racontent leurs histoires, qui continuent les nôtres.

Ne criez pas ; taisez-vous, bien plutôt.

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© Nicolas Codron / all rights reserved