Chapitre seizième,
Où l’on lit
La lettre à l’ami,
Trouvée là.
Où l’on lit
La lettre à l’ami,
Trouvée là.
Doucement, le cahier de N glissa et, brusquement, s’ouvrit. Les feuilles défilaient, s’arrêtèrent. Entre deux pages blanches, une feuille volante était glissée là. Elle commençait par une adresse.
« Cher ami,
Bien des fois j’ai pensé partir. L’on se voudrait maître de son destin, mais il semble que toujours l’inertie mondaine nous gagne à elle. J’allais dire : l’inertie des choses, mais il n’est pas qu’elles. Et au fond, c’est faux : on s’attache, tout simplement. Aux gens, aux choses. C’est plutôt cette réaction, ce sursaut et réveil que j’ai du mal à comprendre. L’on veut ce Grand Repos, et pourtant il ne nous satisfait pas. Autre chose. L’on ne peut vraiment vivre qu’avec cette Habitude qui nous est si nécessaire. Question d’équilibre. A croire que l’on cherche un repos qui marche, pas à pas — un équilibre instable que l’on veut tel et qu’on provoque. Qu’on tente. Toujours il manque quelque chose. Cette tristesse de ne pouvoir être qu’un. Ne pouvoir vivre que sa vie. On le fait, on la vit, on tente de bien la vivre, de se vivre au mieux. Beaucoup de choix que l’on n’a faits, décisions et choses décidées pour nous, remises par nous à plus, écartées, à contre-cœur ou avec joie, certitude. Le regret ne sert à rien — On le sait, on le dit, mais cette ombre et cette nuit demeurent. Ces moments et visages. Les morts sont morts, mais tant que les vivants vivent… Étrangers, parfois, à ce qui nous est proche. De troubles sentiments que l’on garde en coin de cœur, pour soi seul, qui se taisent un temps, et reviennent pour un tout, pour un rien. Et l’on sourit, alors que se noue dans la gorge cette envie de pleurs. J’envie ceux qui peuvent encore pleurer — mais peut-être n’y peuvent-ils rien. Il paraît que cela fait un bien fou. Donnez-moi de vos nouvelles : l’on écrit si peu de nos jours.
« Cher ami,
Bien des fois j’ai pensé partir. L’on se voudrait maître de son destin, mais il semble que toujours l’inertie mondaine nous gagne à elle. J’allais dire : l’inertie des choses, mais il n’est pas qu’elles. Et au fond, c’est faux : on s’attache, tout simplement. Aux gens, aux choses. C’est plutôt cette réaction, ce sursaut et réveil que j’ai du mal à comprendre. L’on veut ce Grand Repos, et pourtant il ne nous satisfait pas. Autre chose. L’on ne peut vraiment vivre qu’avec cette Habitude qui nous est si nécessaire. Question d’équilibre. A croire que l’on cherche un repos qui marche, pas à pas — un équilibre instable que l’on veut tel et qu’on provoque. Qu’on tente. Toujours il manque quelque chose. Cette tristesse de ne pouvoir être qu’un. Ne pouvoir vivre que sa vie. On le fait, on la vit, on tente de bien la vivre, de se vivre au mieux. Beaucoup de choix que l’on n’a faits, décisions et choses décidées pour nous, remises par nous à plus, écartées, à contre-cœur ou avec joie, certitude. Le regret ne sert à rien — On le sait, on le dit, mais cette ombre et cette nuit demeurent. Ces moments et visages. Les morts sont morts, mais tant que les vivants vivent… Étrangers, parfois, à ce qui nous est proche. De troubles sentiments que l’on garde en coin de cœur, pour soi seul, qui se taisent un temps, et reviennent pour un tout, pour un rien. Et l’on sourit, alors que se noue dans la gorge cette envie de pleurs. J’envie ceux qui peuvent encore pleurer — mais peut-être n’y peuvent-ils rien. Il paraît que cela fait un bien fou. Donnez-moi de vos nouvelles : l’on écrit si peu de nos jours.
Tout à vous
(ou presque),
(ou presque),
N. »
*
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